"Lettre" adressée à Roberto Altmann et datée du 5 octobre 2001, mais dont il m'est impossible de savoir si elle a été envoyée et donc reçue; de toute façon, avec R.A., la réception n'implique pas forcément, et même très rarement la lecture immédiate, a fortiori une "réponse". Je n'en attends pas davantage aujourd'hui, même avec le décalage ou la "différance" dont il a été l'adepte le plus fidèle, en toute inconscience; car entre-temps les lettres sur papier ont disparu, exactement comme les photos sur négatifs, qui exigeaient du temps, ne serait-ce que de passer par une chambre noire pour le "développement".
Décidément, à quoi ressemble notre correspondance? A un monologue, j'en ai peur. Mais peu importe, si ce monologue parle pour tout le monde, ou si le monde n'est qu'un vaste monologue, chanté comme l'Internationale sur tous les tons et dans (presque) toutes les langues...
La dernière, je crois, remonte à mon séjour à Clairegoutte, 1997, pour mettre une date. J'y faisais une ébauche de nos Lignes de fuite, et depuis, ça fuit dans tous les sens, et les chances de trouver un plombier s'amenuisent de jour en jour. Une de mes étudiantes, qui n'a trouvé rien de mieux à dire pour titre de sa thèse que "Rien à dire", probablement pour copier mon C'est à dire (sans traits d'union), m'a récemment envoyé une carte postale qu'elle jugeait sans doute "spirituelle" dans le sens de l'esprit "français",, tout simplement une citation de Brecht: "Qu'advient-il du trou lorsque le fromage a disparu?" Elle commençait par un"dear From", manière en effet de raccourcir et le froment de mon nom, et le fromage que j'ai entendu toute ma scolarité... Mais elle ne répondait pas à la question de Brecht. Alors laisse-moi répondre à sa place: --Evidemment rien, il n'advient jamais rien des trous, grands ou petits, vous devriez bien le savoir, c'est toujours le même trou. Reste à savoir ce qui ne le serait pas.
Ah, l'Amérique! dis-je en poussant un soupir...
Elle nous aura bien eus, la garce! Et pourtant, surtout après le grand trou fait dans les tours --tour et trou sont de beaux anagrammes-- du W.T.C. , je lui reste plus fidèle que jamais. Pas question de faire mes bagages, de toute manière ce seraitpour aller où? Sans même évoquer l'aberration qui a conduit ma "estranged wife" à se réfugier sous des parapluies chinois, je me refuse à revenir, la queue basse, à une "patrie" qui n'a jamais été très accueillante, et donc me sens, rien que par esprit de contradiction, plus déterminé que jamais à rester ici, dans ce trou verdoyant, même si ça n'a aucun sens: de toute façon, rien n'a en soi de sens, il faut d'abord le faire, make sense, comme ils disent. Le sens, ça ne traîne pas par terre comme les débris des tours. Et même si c'était le cas, même si j'arrivais par miracle à faire sens de ces débris, devrais-je l'épouser aussitôt, quand épouser qui ou quoi que ce soit relève du suicide? Quand le seul sens qu'il y ait encore lieu de poursuivre, c'est d'être sans?
Elle nous aura bien eus, la garce! Et pourtant, surtout après le grand trou fait dans les tours --tour et trou sont de beaux anagrammes-- du W.T.C. , je lui reste plus fidèle que jamais. Pas question de faire mes bagages, de toute manière ce seraitpour aller où? Sans même évoquer l'aberration qui a conduit ma "estranged wife" à se réfugier sous des parapluies chinois, je me refuse à revenir, la queue basse, à une "patrie" qui n'a jamais été très accueillante, et donc me sens, rien que par esprit de contradiction, plus déterminé que jamais à rester ici, dans ce trou verdoyant, même si ça n'a aucun sens: de toute façon, rien n'a en soi de sens, il faut d'abord le faire, make sense, comme ils disent. Le sens, ça ne traîne pas par terre comme les débris des tours. Et même si c'était le cas, même si j'arrivais par miracle à faire sens de ces débris, devrais-je l'épouser aussitôt, quand épouser qui ou quoi que ce soit relève du suicide? Quand le seul sens qu'il y ait encore lieu de poursuivre, c'est d'être sans?