Thursday, September 16, 2010

"Qu'advient-il du trou lorsque le fromage a disparu?"

"Lettre" adressée à Roberto Altmann et datée du 5 octobre 2001, mais dont il m'est impossible de savoir si elle a été envoyée et donc reçue; de toute façon, avec R.A., la réception n'implique pas forcément, et même très rarement la lecture immédiate, a fortiori une "réponse". Je n'en attends pas davantage aujourd'hui, même avec le décalage ou la "différance" dont il a été l'adepte le plus fidèle, en toute inconscience; car entre-temps les lettres sur papier ont disparu, exactement comme les photos sur négatifs, qui exigeaient du temps, ne serait-ce que de passer par une chambre noire pour le "développement".

Décidément, à quoi ressemble notre correspondance? A un monologue, j'en ai peur. Mais peu importe, si ce monologue parle pour tout le monde, ou si le monde n'est qu'un vaste monologue, chanté comme l'Internationale sur tous les tons et dans (presque) toutes les langues...

La dernière, je crois, remonte à mon séjour à Clairegoutte, 1997, pour mettre une date. J'y faisais une ébauche de nos Lignes de fuite, et depuis, ça fuit dans tous les sens, et les chances de trouver un plombier s'amenuisent de jour en jour. Une de mes étudiantes, qui n'a trouvé rien de mieux à dire pour titre de sa thèse que "Rien à dire", probablement pour copier mon C'est à dire (sans traits d'union), m'a récemment envoyé une carte postale qu'elle jugeait sans doute "spirituelle" dans le sens de l'esprit "français",, tout simplement une citation de Brecht: "Qu'advient-il du trou lorsque le fromage a disparu?" Elle commençait par un"dear From", manière en effet de raccourcir et le froment de mon nom, et le fromage que j'ai entendu toute ma scolarité... Mais elle ne répondait pas à la question de Brecht. Alors laisse-moi répondre à sa place: --Evidemment rien, il n'advient jamais rien des trous, grands ou petits, vous devriez bien le savoir, c'est toujours le même trou. Reste à savoir ce qui ne le serait pas.
[...]
Ah, l'Amérique! dis-je en poussant un soupir...
Elle nous aura bien eus, la garce! Et pourtant, surtout après le grand trou fait dans les tours --tour et trou sont de beaux anagrammes-- du W.T.C. , je lui reste plus fidèle que jamais. Pas question de faire mes bagages, de toute manière ce seraitpour aller ? Sans même évoquer l'aberration qui a conduit ma "estranged wife" à se réfugier sous des parapluies chinois, je me refuse à revenir, la queue basse, à une "patrie" qui n'a jamais été très accueillante, et donc me sens, rien que par esprit de contradiction, plus déterminé que jamais à rester ici, dans ce trou verdoyant, même si ça n'a aucun sens: de toute façon, rien n'a en soi de sens, il faut d'abord le faire, make sense, comme ils disent. Le sens, ça ne traîne pas par terre comme les débris des tours. Et même si c'était le cas, même si j'arrivais par miracle à faire sens de ces débris, devrais-je l'épouser aussitôt, quand épouser qui ou quoi que ce soit relève du suicide? Quand le seul sens qu'il y ait encore lieu de poursuivre, c'est d'être sans?

Saturday, September 11, 2010

De la guerre


Tout à l'heure j'ai posté sur facebook cette photo tirée de ma série "na-guerre" prise sur l'étang glacé de la propriété maternelle en Bretagne-Nord. Je ne sais plus trop si c'est l'hiver dernier ou celui d'avant, la seule date sur la photo est celle de parution du tiré-à-part et bien antérieure au premier événement majeur du XXIème siècle, majeur non pour le fait lui-même (et même le nombre de victimes) mais pour ses conséquences qui durent encore aujourd'hui: la guerre n'est pas finie, pour renverser le titre d'un des plus beaux films du cinéma français (que j'ai vu à l'âge de treize ans en compagnie de la fille délurée de la bonne qui travaillait chez mes parents, je dois dire que c'est ma première expérience sexuelle virtuelle, 1967 me semble-t-il).
Je m'en veux, pour une fois, de ce que j'ai laissé publier, il est vrai dans une note de vase de page (comme si ce n'était pas là que se terraient les mines les plus sanglantes) que je n'ose même plus aller relire. Le fait est que je n'ai rien vu jusqu'à ce que mon colocataire, un Américain au nom et au tempérament bien irlandais, vienne me tirer de mon lit où je pionçais comme un ange... Et naturellement j'ai maudit ces hypnophobes mais je crois encore plus les images passées en boucle toute la journée--même pour mon séminaire à 17h ça continuait à passer alors que tout s'était déjà passé, j'ai donc fait cours avec le son éteint, et ça tombait bien, "Politics of Deconstruction", à croire que celle-ci était de mêche avec les conspirateurs... et son auteur que j'allais devoir accueillir le mois suivant, pour parler de parjure...

Non, il n'y a rien à célébrer en ce jour de non-gloire, rien à construire non plus, pas même une mosquée, il aurait fallu au contraire laisser tout en l'état, ou juste nettoyer et faire comme les Allemands après leur apocalypse, par exemple mettre un toit de verre sur le site dévasté. Quel meilleur mémorial à la folie de la guerre?
Pour finir le pasteur qui avait annoncé publiquement qu'il brûlerait sur la place publique des centaines de Corans s'est dégonflé. Normal, ils n'ont pas de couilles, ces religieux! Anyway, ce n'est pas en brûlant en effigie de simples copies sur papier qu'on anéantira la Chose--qui n'est justement rien d'une chose, sans être non plus la bête immonde de Voltaire. L'Islam repose sur bien autre chose qu'un simple livre, fût-il tenu pour saint ou sacré (au choix ou en même temps). D'ailleurs, au peu que j'en ai lu (en traduction, hélas!), il m'est apparu plutôt du niveau très terre-à-terre d'un Confucius, par exemple: des recettes de vie en société archaïques et risibles, voire cruelles ou incompréhensibles. En tout cas fort peu de divin. Le Prophète lui-même n'est vraiment pas aussi sympa que Jésus, même s'il semble un peu plus malin. Plus sage, aussi, il prend soin de se cacher derrière son dieu dont il n'est, dit-il, que le porte-parole. Ou le ventriloque comme l'explorateur blanc converti aux fétiches de l'Amazone dans L'Oreille cassée. Mais ce n'est pas du tout aussi drôle, et en plus on n'a pas le droit d'en rire ou d'en faire des caricatures. Et vous parlez d'une religion tolérante? Plutôt psycho-rigide, non? En plus, comparées au moindre petit dialogue de Platon, ces Ecritures de cochon ne tiennent pas une seconde. Alors, moi je dis, pour conclure ce sujet explosif, ça ne vaut certainement pas la chandelle de le brûler, ce "volume"! Et si vous n'êtes pas d'accord, essayer voir un peu de brûler votre écran d'ordinateur.