Saturday, November 20, 2010

Dernière lettre à Derrida


7 février 2004

Cher Jacques,

Voici que sur le point de vous écrire ou plutôt de vous réécrire, car j’ai égaré la lettre écrite il y a une semaine, je tombe, au milieu d’archives diverses et, j’allais dire d’un mauvais jeu de mots, avariées, sur ce que je crois bien être la première lettre que vous m’ayez adressée, sur papier à en-tête des Hautes Etudes, datée du 14 juin 1991—la date est manuscrite, comme la signature et les quelques mots dessous : « Cette lettre m’est revenue, je la renvoie. J.D. » (Je devais être rentré en France après mes deux ans de Seattle, et vous n’en saviez rien.) Comme toujours ou presque, vous cherchiez à vous faire pardonner la brièveté (« Pardonnez-moi ce mot exsangue »), et comme toujours ou presque, ce sera d’être trop disert que je voudrais me faire pardonner à l’avance.

Vous veniez de recevoir le manuscrit du second tome de Solitudes, et vous écriviez, je cite car je doute que vous en ayez gardé une trace : « A travers votre livre comme à travers votre lettre, je vous suis de mieux en mieux, et avec une sympathie croissante, dans vos itinéraires de pensée aussi bien que dans votre trajectoire américaine. »

« Je vous suis de mieux en mieux » : treize ans plus tard, je suis très tenté de me dire, sans rire : « eh bien, il en avait de la chance ! ». Rien en effet ne me paraît plus problématique aujourd’hui, où je suis bien incapable de dire, sinon où je suis—physiquement, revenu à Nashville, terme de ma « trajectoire américaine » depuis plus de sept ans—du moins où j’en suis.

Coïncidence, voici qu’à une demande de sujet pour une conférence je ne sais plus trop où sur ce continent, j’ai donné, puisque l’on me demande fort naïvement de présenter quelque chose de soi-disant plus « facile à suivre » que « Blanchot ou Nancy », votre « animal que, donc, je suis », avec comme dessein premier d’élucider la question restée pour moi en suspens depuis la décade de 1997, qui n’est d’ailleurs pas tant celle de « l’animal » que du « suivre ». Il y a quelque temps, étant appelé à parler dans une conférence « Heidegger » à New Haven, j’avais donné comme titre de ma contribution « Pas à suivre » ; j’y citais les mots de Heidegger commentant les derniers mots de Nietzsche sur le dernier pas, le plus difficile à accomplir, à savoir, ce qui suit après l’avoir trouvé, la nécessité de le perdre.

Bien sûr, le « qui suit qui ? », et surtout « qu’est-ce que suivre, suivre une trace qui n’est pas écrite à proprement parler, dans le parler du propre de l’homme ? », c’est aussi la question de l’animal, et je devrais joindre à la photo du chat disparu « Jackie » celle du chien qui a suivi et que ma future vient d’adopter d’une association vouée à sauver les « retired greyhounds » de l’abattoir ou des laboratoires, un splendide lévrier tout noir qu’elle a appelé, sans ambages, « Ulysse ».

J’ai préféré aujourd’hui vous envoyer ce « faire-part » qui ne fera sans doute que confirmer ma réputation de « philosophe morbide ». Je laisse dire, comme vous devez bien le savoir les réputations sont parfois des paravents bien commodes.

Fallait-il préciser le lieu, l’époque, les circonstances ? Cimetière de Chauchilla, situé à 30 km de Nazca, Pérou, où nous avons été voir les fameuses « lignes » à propos desquelles le guide écrit : « Nul ne connaît la signification exacte de ces immenses motifs géométriques dessinés dans le désert et uniquement visibles du ciel » ; le même guide dit aussi ceci du cimetière : « Il est conseillé de suivre le sentier balisé, car le sol est jonché d’ossements et de fragments de tissu ». J’ai moi-même failli marcher sur un crâne d’enfant.

Tout cela pourrait en effet paraître infantile—et l’est peut-être. Peu m’importe : il est simplement étrange qu’enfant, j’ai été si familier des tombes « nues » dans le désert, ou des momies dans le musée poussiéreux du Caire. L’Amérique a bizarrement à voir avec cela.

En toute fidèle amitié

Tuesday, November 9, 2010

Georg Trakl n’est jamais mort


Date: Sat, 09 Nov 2002

Cher Monsieur, Je viens de terminer votre « dict », Tombeau de Trakl. Comment vous dire ce que j’ai pu ressentir si ce n’est que j’ai le même ressenti que vous ? […] Ce que Trakl dit, c’est ce que je cherche à dire[…] mes photographies. Sa vision de la vie est la mienne, malgré les différences de contexte historique, économique. J’ai l’impression d’avoir été lui. Etrangement. Je suis passionnée par son œuvre, et j’ai l’impression d’être la seule. Je pense qu’il n’est jamais trop tard lorsqu’on est conscient. C’est pour cela que je prends la liberté de vous écrire. […] Votre phrase pourrait être la mienne : « Il n’y avait vraiment rien à voir et je l’avais toujours su. Ou bien il fallait inventer un autre regard, un autre sens et une autre image. »

Date : Fri, 8 Nov 2002 18 :33 (Central Standard Time)

« D’abord, et pour vous citer, « merci de m’avoir lu ». Se faire lire est parfois un genre de terrorisme, c’est d’ailleurs pourquoi je préfère infiniment les lettres de lecteurs inconnus. Le fait est : avoir lu Trakl est are, et comme pouvez aisément vous l’imaginer, mon livre n’a pas été un best-seller. Il n’y a pas à s’étonner là : on est aussi seul à lire Trakl qu’il était seul, seul à être Trakl, et peut-être est-ce cela, et cela seul, qui m’a attiré : ses solitudes.

« Et n’est-il pas étrange de « communiquer » autour de quelqu’un qui a dit qu’on ne peut en aucun cas communiquer ? Trakl à l’âge de l’Internet ! […] Si vous voulez, je peux vous envoyer une photo de la tombe de Trakl. (Par courrier ordinaire, ça date quand même !) Puisque vous voulez marcher dans ses pas, est-ce que vous comptez aller aussi à Grodek, aujourd’hui en Pologne ? Un dernier point, avant de clore cette lettre trop bavarde, je serais plus qu’intéressé à savoir ce que vous entendez par « vision de la vie » chez Trakl, qui n’est peut-être jamais mort, mais peut-être pour l’avoir toujours été…»

Sat, 9 Nov 2002 17 :00 (Central Standard Time)

[…] Mais sincèrement, j’allais dire prosaïquement, je veux dire, sans rhétorique, j’aime bien marcher dans vos pas. Les nuées, par exemple : c’est une exposition visuelle de la condition poétique (dans les nuages, selon Baudelaire). Et la série étonnamment exacte des brumes… J’avais votre âge (est-ce un hasard s’il mesure la durée de la vie de Trakl ?) quand j’ai dit adieu à toute image (j’avais commencé à avoir des vues sérieuses sur le cinéma). J’en éprouve maintenant plus d’un regret. Les mots, j’ai beau en être fou (comme l’écrit mon ami philosophe Jean-Luc Nancy), ils ne me satisfont jamais vraiment. Je me console en me disant que ce qui leur manque est aussi ce qui fait leur force : ils disent toujours autre chose que ce qu’on veut leur faire dire. J’essaie de les plier dans tous les sens, mais du coup ce sont eux qui s’en vont dans tous les sens. Bref, ils résistent trop ou pas assez. Et, au fond, comme je n’aime pas être leur prisonnier, je les laisse faire. Car l’admirable, c’est qu’ils parlent encore mieux quand on les laisse tout seuls. »

Thursday, September 16, 2010

"Qu'advient-il du trou lorsque le fromage a disparu?"

"Lettre" adressée à Roberto Altmann et datée du 5 octobre 2001, mais dont il m'est impossible de savoir si elle a été envoyée et donc reçue; de toute façon, avec R.A., la réception n'implique pas forcément, et même très rarement la lecture immédiate, a fortiori une "réponse". Je n'en attends pas davantage aujourd'hui, même avec le décalage ou la "différance" dont il a été l'adepte le plus fidèle, en toute inconscience; car entre-temps les lettres sur papier ont disparu, exactement comme les photos sur négatifs, qui exigeaient du temps, ne serait-ce que de passer par une chambre noire pour le "développement".

Décidément, à quoi ressemble notre correspondance? A un monologue, j'en ai peur. Mais peu importe, si ce monologue parle pour tout le monde, ou si le monde n'est qu'un vaste monologue, chanté comme l'Internationale sur tous les tons et dans (presque) toutes les langues...

La dernière, je crois, remonte à mon séjour à Clairegoutte, 1997, pour mettre une date. J'y faisais une ébauche de nos Lignes de fuite, et depuis, ça fuit dans tous les sens, et les chances de trouver un plombier s'amenuisent de jour en jour. Une de mes étudiantes, qui n'a trouvé rien de mieux à dire pour titre de sa thèse que "Rien à dire", probablement pour copier mon C'est à dire (sans traits d'union), m'a récemment envoyé une carte postale qu'elle jugeait sans doute "spirituelle" dans le sens de l'esprit "français",, tout simplement une citation de Brecht: "Qu'advient-il du trou lorsque le fromage a disparu?" Elle commençait par un"dear From", manière en effet de raccourcir et le froment de mon nom, et le fromage que j'ai entendu toute ma scolarité... Mais elle ne répondait pas à la question de Brecht. Alors laisse-moi répondre à sa place: --Evidemment rien, il n'advient jamais rien des trous, grands ou petits, vous devriez bien le savoir, c'est toujours le même trou. Reste à savoir ce qui ne le serait pas.
[...]
Ah, l'Amérique! dis-je en poussant un soupir...
Elle nous aura bien eus, la garce! Et pourtant, surtout après le grand trou fait dans les tours --tour et trou sont de beaux anagrammes-- du W.T.C. , je lui reste plus fidèle que jamais. Pas question de faire mes bagages, de toute manière ce seraitpour aller ? Sans même évoquer l'aberration qui a conduit ma "estranged wife" à se réfugier sous des parapluies chinois, je me refuse à revenir, la queue basse, à une "patrie" qui n'a jamais été très accueillante, et donc me sens, rien que par esprit de contradiction, plus déterminé que jamais à rester ici, dans ce trou verdoyant, même si ça n'a aucun sens: de toute façon, rien n'a en soi de sens, il faut d'abord le faire, make sense, comme ils disent. Le sens, ça ne traîne pas par terre comme les débris des tours. Et même si c'était le cas, même si j'arrivais par miracle à faire sens de ces débris, devrais-je l'épouser aussitôt, quand épouser qui ou quoi que ce soit relève du suicide? Quand le seul sens qu'il y ait encore lieu de poursuivre, c'est d'être sans?

Saturday, September 11, 2010

De la guerre


Tout à l'heure j'ai posté sur facebook cette photo tirée de ma série "na-guerre" prise sur l'étang glacé de la propriété maternelle en Bretagne-Nord. Je ne sais plus trop si c'est l'hiver dernier ou celui d'avant, la seule date sur la photo est celle de parution du tiré-à-part et bien antérieure au premier événement majeur du XXIème siècle, majeur non pour le fait lui-même (et même le nombre de victimes) mais pour ses conséquences qui durent encore aujourd'hui: la guerre n'est pas finie, pour renverser le titre d'un des plus beaux films du cinéma français (que j'ai vu à l'âge de treize ans en compagnie de la fille délurée de la bonne qui travaillait chez mes parents, je dois dire que c'est ma première expérience sexuelle virtuelle, 1967 me semble-t-il).
Je m'en veux, pour une fois, de ce que j'ai laissé publier, il est vrai dans une note de vase de page (comme si ce n'était pas là que se terraient les mines les plus sanglantes) que je n'ose même plus aller relire. Le fait est que je n'ai rien vu jusqu'à ce que mon colocataire, un Américain au nom et au tempérament bien irlandais, vienne me tirer de mon lit où je pionçais comme un ange... Et naturellement j'ai maudit ces hypnophobes mais je crois encore plus les images passées en boucle toute la journée--même pour mon séminaire à 17h ça continuait à passer alors que tout s'était déjà passé, j'ai donc fait cours avec le son éteint, et ça tombait bien, "Politics of Deconstruction", à croire que celle-ci était de mêche avec les conspirateurs... et son auteur que j'allais devoir accueillir le mois suivant, pour parler de parjure...

Non, il n'y a rien à célébrer en ce jour de non-gloire, rien à construire non plus, pas même une mosquée, il aurait fallu au contraire laisser tout en l'état, ou juste nettoyer et faire comme les Allemands après leur apocalypse, par exemple mettre un toit de verre sur le site dévasté. Quel meilleur mémorial à la folie de la guerre?
Pour finir le pasteur qui avait annoncé publiquement qu'il brûlerait sur la place publique des centaines de Corans s'est dégonflé. Normal, ils n'ont pas de couilles, ces religieux! Anyway, ce n'est pas en brûlant en effigie de simples copies sur papier qu'on anéantira la Chose--qui n'est justement rien d'une chose, sans être non plus la bête immonde de Voltaire. L'Islam repose sur bien autre chose qu'un simple livre, fût-il tenu pour saint ou sacré (au choix ou en même temps). D'ailleurs, au peu que j'en ai lu (en traduction, hélas!), il m'est apparu plutôt du niveau très terre-à-terre d'un Confucius, par exemple: des recettes de vie en société archaïques et risibles, voire cruelles ou incompréhensibles. En tout cas fort peu de divin. Le Prophète lui-même n'est vraiment pas aussi sympa que Jésus, même s'il semble un peu plus malin. Plus sage, aussi, il prend soin de se cacher derrière son dieu dont il n'est, dit-il, que le porte-parole. Ou le ventriloque comme l'explorateur blanc converti aux fétiches de l'Amazone dans L'Oreille cassée. Mais ce n'est pas du tout aussi drôle, et en plus on n'a pas le droit d'en rire ou d'en faire des caricatures. Et vous parlez d'une religion tolérante? Plutôt psycho-rigide, non? En plus, comparées au moindre petit dialogue de Platon, ces Ecritures de cochon ne tiennent pas une seconde. Alors, moi je dis, pour conclure ce sujet explosif, ça ne vaut certainement pas la chandelle de le brûler, ce "volume"! Et si vous n'êtes pas d'accord, essayer voir un peu de brûler votre écran d'ordinateur.

Saturday, August 28, 2010

La condition divine

Le Dieu, dans le moment tragique, qui est celui d’une théophanie sans théophanie (il n’appartient pas au divin de paraître, il n’y a nulle révélation), n’est « présent » —et Dieu sait s’il l’est— que dans son détournement même, son retrait ou son reflux, sa fuite : le mouvement par lequel il s’ « absente » (si jamais, faut-il penser en conséquence, il fut autrement « présent » que dans la pure et simple mania ou l’hubris, dans l’outrance). Il n’est plus rien que temps « lui-même », qui « est » néant. Pur passage, disaient les prophètes. Dieu lui-même n’est pas. Ce qui veut dire que non seulement il est lui-même fini, « existant ». Mais, plus impensable encore, que n’existant que comme le passage même, c’est-à-dire l’existence, il n’existe pas. Telle est sa condition. Dieu n’existe qu’à la condition de ne pas exister mais d’ « être » l’existence. Par où sa finitude est aussi bien in-finie. C’est pourquoi il ne paraît pas, il n’y a pas de révélation.
Philippe Lacoue-Labarthe, Métaphrasis, Paris, collège international de philosophie, 1998, p.40-41.
J’ai mis en gras la phrase que j’avais omise dans une première copie de cet extrait d’une conférence donnée par P. L-L. (pourquoi avons-nous tous les trois des initiales triples ?) en décembre 1997, au Collège. Je ne l’avais ni écouté (étais-je en train de crapahuter dans les montagnes de Pennsylvanie avec ma compagne de Holzweg ?) ni même lu, peut-être parce que je partage en effet le « mépris dans lequel Heidegger tient le théâtre en général » —à l’exception peut-être du théâtre de la cruauté, mais c’est une tout autre affaire que justement du théâtre, même « moderne ».
« Pur passage, disaient les prophètes. » En quelle langue ? En grec ? En hébreu ?
Au lieu de « pur passage », où « pur » est de trop, suggérant une privation là où, du point de vue divin (et il faut bien se mettre à sa place pour pouvoir ne serait-ce qu’en parler, fût-ce en des termes qui rappellent singulièrement la rhétorique de la théologie négative),- c’est de la mort que le « Dieu » (pourquoi lui conserver une majuscule et même lui retirer son article défini ?) est à jamais privé : immortel, soit qui peut mourir aussi peu que l’existence comme « passage », j’avais risqué il y a déjà plus de vingt ans le mot de passance : concept intenable, comme l’est toute pensée issue de la chose même. Il combine le pas et le sens sans déterminer l’ordre de passage ni dans quel sens ça va, donc c’est moins « pur » que libre qu’il faut l’exister, pour suivre son pas, son allure, « le dégagement rêvé » comme dit le Génie d’Arthur. En ce sens, la Tragédie soit, si je traduis de l'archi-grec-teuton, le « jeu » du deuil autour d’un qui n’a jamais existé puisqu’il « est » l’existence (mais alors pourquoi dire encore "il" et pas "elle"?), présente en effet la purification du « pas-de-sens » en quoi Derrida voyait bien la seule signature du sacré. Ni présence ni absence, sens>sans passant dans ce qui se passe. Et que se passe-t-il alors ? Le « dieu », présent en tant que « sans », passe dans le temps, dans le "il se passe" (sans qu'il se passe quelque chose), dans un détournement « catégorique » où c’est désormais l’existence elle-même comme èthos qui devient divine, ce qu’Héraclite disait déjà mais d’un autre mot que ce sacré nom de théos, "dieu" : daimôn, le démon, comme on parle du démon du jeu — donc rien à voir avec le diable qui n’est qu’une plaisanterie douteuse inventée par les théologiens pour faire peur aux foules.
Mais alors il n’y a plus place pour aucune tragédie. L'existence suffit à prendre toute la place. Dieu = Dasein. Héraclite a transporté la « scène » là où il fallait : ici même sont les dieux.

Wednesday, August 25, 2010

L'ange blanc et la neige noire


"Et de quoi vivait-il donc - on ne sait, de l'air du temps sans doute, sa famille le tenait pour un bon à rien (ce qui d'une certaine façon et pris à la lettre n'est pas faux) et il détestait taper les rares amis restants - Quelqu'un a noté qu'il lui fallait 200 couronnes par mois, dont le tiers pour boire et fumer: Combien d'hommes, ajoute alors le témoin, peuvent-ils vivre avec une pareille somme? Mais vivre, il avait cessé depuis longtemps d'y aspirer, il respirait déjà un autre air, chantait un autre chant; tout ce qu'il demandait, c'était survivre, et pour cela, répétait-il, il n'avait besoin que de pain et de vin, une cellule de moine pourvu qu'elle ait la vue sur le dehors, fût-ce un simple champ de maïs sur quoi donnait la chambre qu'il avait louée dans la banlieue près de la garnison"
MFM, Tombeau de Trakl, page 39.

Thursday, May 6, 2010

Sunday, April 25, 2010

philosophie pour rire?

On est dimanche. Donc messe, donc pharmacie fermée. Tout ça est logique. Mais la logique n’aide pas à vivre. Philosophe martyr ? Ou seulement témoin de sa propre inadéquation ?
Docteurs du temple chassés. Pourquoi ? Ils ne savent pas ce qu’ils disent : c’est peut-être vrai, mais le vrai n’est pas vrai « peut-être », il ne peut l’être qu’à tous les coups. Donc pas la peine de les chasser, ces « marchands » de savoir. Pour y mettre qui à la place ? Toutes les églises sont pareilles.
Philosophie pour rire : rire innocent, celui du savoir : le savoir qui sait rire et faire rire, ni comique ni tragique, le juste rire du juste. Est juste qui sait s'entendre avec son démon, et c’est le seul but de l’existence. Un démon dont personne ne verra la face, un dieu qui se rit de toute apparence. C’est un peu sacrilège, un dieu qui rit, comme un philosophe qui se moque du monde : Socrate, le penseur « le plus pur » de l'occident, parce qu’il n’a rien écrit, rien laissé. Le rire, c’est sa seule arme, car sinon les philosophes se prennent trop au sérieux ; ne sont pas (encore) les artistes du rire qu’ils avaient annoncé, pas (encore) les prophètes en leur propre pays ; le savoir seul fait rire, c’est sa grande vertu, il allège, éclaire, libère une clairière.
Mais il n’est pas facile, ce savoir ; pas très gentil non plus. Même très dur. Alors il faut lui casser les dents. Sinon, les philosophes deviennent les pires religieux qui soient. Ils ne savent plus rire d’eux-mêmes.

Saturday, April 24, 2010

Tort-tue


Retour à la religion — de Derrida, tel était peut-être ce à quoi m’appelait la tortue de ce matin, qui m’a aussitôt rappelé le nom du restaurant où ledit Derrida nous avait emmenés déjeuner (nous : MFM et son invitée, JD et la sienne), « Le Tortue », au masculin, soutenait-il, ce qui m’avait aussitôt rappelé le (mauvais) jeu de mots que fait le (mauvais) steward dans L’Oreille cassée : LE TORT TUE… (« C’est un jeu de mots. Tort… tue, tortue ! Vous avez compris ? » insiste-t-il avant de tomber nez à nez sur le capitaine qui n’a pas l’air content du tout.) Auparavant, il en avait lâché une bien bonne sur le nom propre du voleur du fétiche : « D’ailleurs… ceci entre nous, n’est-ce pas, ce n’est pas un homme. Non. Ni une femme. C’est… une omelette. » ?? font les deux comparses qui n’ont rien capté. Le steward (qui n’a pas de nom) enfonce donc bien le clou : « Ah ! ah ! ah ! Elle est bien bonne ! Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’il se nomme Tortilla, et qu’en espagnol ce mot signifie… » mais il a compté sans le fait que ses interlocuteurs parlent espagnol « nativement » : « Omelette, c’est vrai ! Ah ! vieux farceur ! » et son compagnon de renchérir : « Toujours lé mot pour rire ! »
Cette tortue n’était-elle pas un signe des dieux ? (Puisqu’ils ne communiquent qu’en signes, un peu comme les sourds-muets entre eux.) Un signe m’indiquant quel chemin ? Quand je suis revenu une heure plus tard, la tortue avait disparu. Il paraît qu’elles peuvent filer à toute allure, plus vite qu’Achille disait déjà Zénon. Mais où pouvait-elle bien être passée ? De tous côtés excepté vers la rue, il n’y a que des palissades ou un grillage. Peut-être suis-je aussi à ma façon une tortue ? Immobile et apparemment inamovible jusqu’à ce qu’on réalise qu’elle s’est évanouie sans crier gare ? Elle n’avait pas touché à mes deux feuilles de laitue (pourtant organique). Elle avait les yeux jaune-orange, un regard mauvais et aussi inquiétant que celui de l’igname qui venait me visiter chaque matin sur les rochers devant la terrasse du bungalow que nous avions loué sur l’île des Femmes au large de Cancun. Là encore, j’aurais dû comprendre qu’il m’avertissait, ce serait le dernier voyage heureux avec mes trésors encore enfants. Et moi le père indigne (mais n’est-ce pas un pléonasme ?) qui m’obstinait bêtement à re-copier puis re-déchirer une lettre d’amour imaginaire, je revois encore maintenant les morceaux coincés dans une anfractuosité (beau mot) des rocs où l’iguane venait prendre son bain de soleil matinal. N’est-ce pas aussi un peu la faute à D. si je me suis égaré dans cette Double Vie qui fut plus qu’un tort-tue, un DEAD END mot-nu-mental ? Qui a entraîné toutes les autres : même ma dénonciation du « tournant » religieux dans « la » déconstruction restait timide et comme « respectueuse » (adjectif appelant irrésistiblement le substantif « putain »). Je m’en prenais bien à l’inepte « création verbale » (invention de nouvelle cuisine) de la « mondialatinisation » (qui prouvait au moins que Derrida n’a jamais rien compris à l’Amérique, ne serait-ce que pour avoir ignoré qu’il y en a plus d’une), mais je continuais à défendre une religion spectrale, une « religion sans religion » copiée sur la « structure » logique x sans x grâce à quoi Blanchot s’est fait encore plus blanc qu’un spectre… (Peut-être en rapport avec le spectre du communisme qui tous continue de les hanter en Europe ? Au fond, ils en sont restés deux siècles en arrière ?)
Donc il faut faire sans rien, ni dieu ni maître, ni cure ni curé. Commencer par foutre tous les divans à la rue, et les distribuer aux « indésirables » qui n’ont jamais pu se payer le luxe d’avoir des complexes. Il faut faire rien qu’avec les moyens du bord, comme s’il n’y avait jamais rien eu d’autre. Plus la désolation s’étend, plus il faut tenir lieu de sol, se forger une solidité à toute épreuve. Car il y va bien d’une ultime expérience, qui met en jeu jusqu’à la possibilité a priori de l’expérience : [à suivre…]

Tuesday, April 20, 2010

cravate (conditions de l'expérience philosophique, préambule)




Il faudrait explorer la surenchère de communion à laquelle l’aigle Hegel se livre en accusant les manuels de Kant d'avoir répété le formalisme juif et d'avoir gardé le fétiche qu'il appelle la chose même au kha où. Mais tous deux partagent au fond l'horreur pour le fétiche et le même horizon télé-ô-logique de la vraie et unique religion visant la disparition du fétiche

ce mot que

et puis nous avons droit à une coupure dans le texte et les colonnes s’encastrent dans le phallus de Hegel et j'ai été au Nil dit-elle pêcher ce mot que se moque de son origine portugaise feitiço fétiche chaud mais aussi tout chose, glacier de mort, cependant c'est le sens strictement religieux que ces colonnes vont mettre à bas. Le fétiche est selon la raison dans l'histoire Africain. L'Africain se définissant comme sens de l'histoire absent donc de toute raison ce qui semble qualifier là aussi assez bien le fétiche je continue à citer si l'on extrait le schéma logique de l'analyse, un inconscient qui ne se laisse pas analyser en tant que tel, n'a pas d’histoire, se tient avec entêtement au seuil du procès historique ou dialectique. Le seul moyen de le faire entrer dans le processus est de lui incorporer la négativité un peu comme le feu ou plutôt le pieu au cul ; sous-entendu l'Africain n'est pas simplement en dehors de l'histoire, sinon l'histoire ne serait pas tout et c’est là quelque chose que la raison ne peut pas accepter. Donc on procède à sa négation et le transforme en sauvage, barbare, primitif, etc. selon un processus qui a malheureusement son origine en Grèce. Mais revenons à Hegel parlant de nous, non-barbares, dit-il : Nous ne pouvons vraiment nous identifier, par le sentiment, à sa nature, de la même façon que nous ne pouvons nous identifier à celle d'un chien, ou à celle d'un Grec qui s'agenouillait devant Zeus. Ne pas se hâter de conclure que nous les Africains-Grecs sommes tous des chiens. Hegel est un penseur et l'impossible ne l'effraie pas, même si ou surtout si ce qu'il y a à penser est ce qui résiste le plus à la pensée : la matière impénétrable ou en tout cas un mode d'être pas tout à fait humain entre le Chien et le Grec parce que le Grec au fond n’est qu'un grand chien Noir qui sait parler sur les places publiques — mais imaginons, imaginons un instant qu’en une autre existence nous soyons un chien ou un Grec continuant de s’agenouiller devant une idole comme s’il n’avait jamais tout à fait coupé avec sa part maudite d’animal. Si le Grec est encore un barbare pour nous, qu’en sera-t-il de l’Africain ? Il faut essayer de comprendre l'incompréhensible, ce qu'ils appellent leur religion. Or elle est construite sur l'opposition de l'homme et de la nature, celle-ci se laissant dominer par celui-là. Étrange interprétation : on vient de nous dire que le nègre se confond avec la nature, et on va dans un instant nous apprendre que la nature le domine au point que la puissance menaçante des éléments naturels le contraint à la magie (c'est souligné), c'est-à-dire à un pouvoir totalement imaginaire, le pouvoir d'une image sur la nature n’étant qu’une domination imaginaire — mais pourquoi la force de l'imagination serait-elle imaginaire ? Dès lors que c'est une force, elle ne peut être immédiatement déniée dans son existence sous prétexte qu'elle machine une fièvre maligne. Le débat tourne autour de l'effectivité, c'est-à-dire de ce que nous nommons réalité mais qui pour H. & Gel parle le langage de l'opération, du travail et du négatif. L'Africain croit pouvoir se passer de travailler. Il prend ses désirs pour des réalités comme si le monde était pour lui le théâtre d'un rêve. Elle est imaginaire cette force car le pouvoir vers lequel se tournent ces hommes n'est pas un pouvoir supérieur, puisqu'ils croient produire eux-mêmes ses effets. Et de donner les conditions de possibilité formelles de cette matière propre à ruiner toute cité rationnelle (n’oublions pas l’Etat de grâce philosophique). Etrange & inquiétant de voir cet esprit si puissant décrire les conditions de l’expérience philosophique en des termes aussi crus :

conditions de l'expérience philosophique




Il faut d'abord se mettre dans un état d'enthousiasme extraordinaire. Il faut se mettre dans le Dieu, à sa place exacte. Mais ils ne le font pas purement car ils ont recours à des moyens en eux-mêmes dépourvus de sens. Ils trichent : ils se mettent eux-mêmes dans un état de transe extrême et en prononcent alors leurs dix commandements sous influence, émanations qui viennent directement des racines mangées avec des chiens en chaleur furieuse, en mangeant des acides de pissenlits & les racines de pisse en étymologie mangent ses ancêtres, car c'est effectivement ce que fait le mort : il se nourrit des autres morts et donc de ses pairs, et les possédés profèrent alors leur formule au son des glas […] Mais quand ses ordres restent longtemps infructueux, il désigne parmi les assistants, qui peuvent être leurs parents les plus chers, ceux qui doivent être massacrés, & les autres les dévorent. Souvent le philosophe passe plusieurs jours en proie à un état dans lequel il est vrai à la folie, tue les hommes, boit leur sang & le fait boire aux étudiants. Le culte des morts lui-même, par ailleurs considéré comme le stade inaugural de l'éthique, est corrompu par le fais t’y-chier : ils se tournaient vers les morts comme vers des dieux, avec des incantations ; mais si cela ne marchait pas, ils punissaient le défunt lui-même, en jetant ses ossements à ronger à ses enfants dégénérés.

Sources occultes: Jacques Derrida, citant Hegel dans "glas (Que reste-t-il du savoir absolu?". 

Sunday, April 4, 2010

Résur-érection








Le message date un peu, comme on peut voir à la neige qui avait paralysé tout Nolensville, mais quand même moins que les deux mille dix ans que nous datons d'après un nommé Jésus, dont l'existence historique n'est attestée que par des témoignages très douteux et postérieurs d'au moins deux siècles à sa cruci-fiction. Qu'on cesse donc une fois pour toutes de nous bassiner les oreilles avec Pâques et ses cloches ou ses lapins quand Sa Sainteté Bénédictature compte emporter sa pédophilosophique & antisémite dépouille au paradis des cons non-invertis. Infaillibilité de la fraude pontificale, qui se permet de prendre la position de victime (de la calomnie, bien sûr) alors que, depuis Pierre, Rome n'a vécu que de reniements, bassesses, parjures.

Sunday, March 28, 2010

Fable de l'hirondelle et de la mer.

Cette légende, nous dit-on, était la dernière de quatre exercices, écrits en démotique, composés comme des modèles sur une jarre trouvée au musée de Berlin mais détruite pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elle date de l’ère romaine, premier ou deuxième siècle avant J.C. Ces modèles de lettres sont un monument de l'éducation égyptienne depuis le Moyen Empire. Classé comme lettre satirique, cet exemple va pourtant au-delà du genre. En effet, ici, c'est le pharaon théoriquement inattaquable qui est la cible correspondant à la description du tyran Cul-fut dans le papyrus W.C. Son nom n’apparaît pas dans le papyrus qui se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris. L'imagerie centrale de l'immensité du désert et de la mer en termes de mesures ordinaires apparaît dès l'hymne d’Amarna qui lui-même précède le concentré d’Isaïe 40:12. De telles histoires ont aussi influencé les légendes grecques tardives attribuées à Esope. De plus, la même viande ou peu sang faut apparaît dans la littérature rabbinique du quatrième siècle, comme dans le Penchera-Tentera des Indes Galantes, qu’on s’accorde à dire d’athée du VIe siècle. La notice de l’édition critique signée R.K.R conclut que c’est seulement en 1912 que la cohérence des trois sites est devenue évidente, car en dépit de son importance, cette fable était restée absente de toute anthologie sérieuse.

Lisons donc la pétition du chef du pays des rabbis devant le pharaon : « Qu’a bien pu vouloir dire le Pharaon, quand il a déclaré : « Je vais dévaster l’Arabie » ? Pensait-il dévaster un paradis ? Approche-toi, pharaon, et écoute l'histoire de ce qui est arrivé à l'hirondelle qui a donné naissance au bord de la mer. Alors qu'elle allait et venait pour trouver de quoi nourrir son petit, elle dit à la mer : surveille bien mon petit jusqu'à ce que je revienne ! Or il arriva un autre jour où l'hirondelle allait selon son habitude quotidienne chercher de quoi nourrir son petit, et où elle demanda à la mer : « Surveille le petit pour moi jusqu'à mon retour en accord avec mon habitude qui me pénètre chaque jour davantage ». Mais ce jour-là, il arriva que la mer s’était levée de mauvais poil, et même qu’elle était démontée et déchaînée, de sorte qu’elle emporta dans la fureur de ses vagues le petit de l'hirondelle, et qu’elle le noya au fond de ses flots. Sur ce, la mère revint la bouche pleine et les yeux contents, ronds comme des billes. Mais elle ne trouvait plus son petit. Elle dit donc à la mer : « Rends-moi le petit que je t'ai confié, sinon je te jure que je vais t’écoper jusqu’à ta dernière goutte et te déporter avec moi au pays d'à côté qu’est tout sec et désert, et au retour j’irai porter dans mon propre bec le sable du pays d’à côté pour le jeter sur toi, sale mère de mer de… » Sur ce il arriva que ce fut la coutume de l'hirondelle, l'habitude qu’elle disait. Elle remplissait d’abord sa bouche avec du sable des environs pour aller le jeter à la mer. Ensuite elle remplissait sa bouche avec l'eau de la mer qu’elle allait larguer sur le sable du désert qui la buvait avant même qu’elle n’ait eu le temps de s’y poser. Mais ainsi continuait l’hirondelle, jour après jour, à boire la mer. Y serait-elle parvenue, alors, mon bon pharaon, le désert serait à jamais dévasté, rayée de la carte l’Arabie. »

Saturday, March 6, 2010

la parole humaine est comme un chaudron fêlé

Je dois dire adieu à Flaubert puisque vient la césure de printemps (spring break), et que de toute façon la littérature n'est même plus de nos jours éteints ce qu'elle était pour l'ermite de Croisset, à savoir "un terrible godemiché qui m'encule et ne me fait même pas jouir". Soit dit une fois pour toutes, je ne donnerai pas mes sources, je n'ai pas à les produire, n'ayant absolument rien à vendre ou même prouver. Qu'on aille plutôt relire le chapitre V de Bouvard et Pécuchet, ou même Madame Bovary: « Il s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait à toutes les maîtresses ; et le charme de la nouveauté, peu à peu tombant comme un vêtement, laissait voir à nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mêmes formes et le même langage. » Et pourtant, même dans le vide des métaphores les plus vides, passe un air de folie "à faire danser les ours": « …comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. » (E.B., p.259).

Tuesday, February 16, 2010

CONJONCTURE

Conjoncture, à ne pas confondre avec conjectures (se perdre en). Elle est toujours mauvaise, la conjoncture. Mauvaise comme une teigne. Mais quand en supplément elle conjoint des conditions météorologiques détestables, quoiqu’en fait tout à fait saisonnières (la preuve du réchauffement climatique nous est donnée par cet hiver certes rigoureux mais nullement extraordinaire), elle devient littéralement explosive : soyez-en juges par ce qui est arrivé à ma maison, en l’espace de 3 semaines. D’abord, je rentre de Bretagne pour trouver ma cuisine inondée, l’évier s’étant bouché et la « catsitter » n’ayant rien trouvé de mieux à faire que d’étendre par terre toutes les serviettes de bain qu’elle avait pu ramasser dans les placards. J’ai mis une bonne semaine avant d’appeler mon homme à tout faire, l’ami d’une amie d’un inconnu, parce qu’appeler un plombier régulier m’aurait ruiné sans même rien « fixer » au problème. Finalement, John a passé toute la journée dehors (où il gelait à tuyau fendre), a fini par localiser le bouchage, a été louer à Home Dépôt une machine géniale qui envoie un filin d’acier jusqu’à trente pieds sous terre, mais pas si les tuyaux ont pris un mauvais Tournant, ce qui était bien sûr le kha de l’évier. Il a donc fallu raccorder l’évier ailleurs, à l’évacuation des eaux de la machine à laver qui se trouve dans le cagibi derrière où je clope dans les cas de grand froid, puisque je me suis interdit de fumer dans la Maison qui, sinon, tousse à en cracher ses poumons déjà bien noirs du charbon entassé dans la cave où d’ailleurs la chatte avait profité de l’ouvrier pour aller, et bien sûr se planquer entre les conduits d’air chaud…
Ce n’est qu’un début, vous allez voir : 2. ma vieille Taurus, achetée pourtant neuve l’an zéro du IIIème Millénaire (2000, donc, l’année des ballots perforés à Smyrna Beach, rappelez-vous) sur les conseils d’une femme qui n’était pas la mienne mais se comportait tout comme, a donné des signes d’échauffement incompréhensibles : par moins dix, le radiateur a failli exploser ! Mea culpa, j’avais complètement oublié de mettre de l’antigel, tant j’avais oublié comme tout le monde les hivers rudes d’antan… Grâce au Mexicain de la station sur Nolensville (voir photos sur facebook, allons-y pour la publicité), tout s’est arrangé pour la modique somme de 79 dollars, genre 22 euros au TGV où ça va en Europe. Rien à côté des 700 dollars qu’il m’a fallu débourser quelques jours plus tard parce qu’un fil de je ne sais quoi avait… gelé ? Un fil électrique ? Je n’ai pas bien compris l’explication du mécanicien, sans doute parce qu’il avait l’accent local alors que le Mexicain, lui, parlait un espagnol sans peur ni reproche. Il serait temps, me suis-je dit, d’imposer une langue nationale aux Etats-Unis comme ont fait les Révolutionnaires Français il y a 2 siècles (grâce à qui ? un abbé !).
Alors aujourd’hui, le clou : le chauffe-eau a brûlé ! Quand je suis rentré du boulot, une odeur de « cramé » flottait dans toutes les pièces, bien plus dérangeante que le tabac froid, et certainement plus toxique. Bon, je n’aurais pas dû répéter publiquement que 16 (seize) millions d’Américains meurent chaque année d’avoir bu de l’eau au robinet…