Monday, January 21, 2019

Lettre à une amie allemande sur la TraductionTranslation

Lettre à une amie allemande sur la Traduction (Hermenéia).

Je réponds à ce bref message de la traductrice du Toucher (Jean-Luc Nancy) par Jacques Derrida :

Après une vingtaine d'années de traduc en philo, je me demande pourquoi on n'emploie pas davantage beingness pour être. Cela permettrait de mettre being pour "l'étant". Too late, je suppose.

Fédier proposait toutes sortes de traductions bizarres : "étance", "étantité" (sorte d'entité inclassable, pas loin des eaux troubles d’un étang vaseux). Par contre, au hasard de mes lectures,  j'ai découvert qu'Artaud parlait tout simplement d'« êtreté » et ne se souciait guère de savoir si le mot existait en français. Or c'est exactement comme ça que je traduirais maintenant Seiendheit. Le français, qui ne connait que l'être ou un être, est aux antipodes de l'anglais qui sépare nettement being du verbe to be. A cause du "to" obligatoire pour l'infinitif, il n'y a pas de vrai participe présent pour le nom-verbe "être" qui dit pourtant la présence même. Tu vois ça bien dans le fameux dilemme de Hamlet, ce qui fait que les Anglais sont incapables de prendre parti, par exemple pour ou contre le Brexit "pur et simple". Ils ignorent la troisième voie du mélange (methexis en grec) inventé, comme une mixture ou pharmacopée parricide par Platon et universellement développé jusqu'au grand maître-queue, Hegel, à savoir la dialectique des rapports

A propos de traduction, une parenthèse sur une « bégayant » la langue, mon amie coréenne à qui j’ai promis, fort imprudemment, d'écrire un texte pour sa Grande Rétrospective de textes de philosophes français dans un ouvrage prévoyant systématiquement des traductions en anglais, alors qu'elle-même n'y entend goutte. Pour l'heure, je n'ai trouvé que le titre de ma contribution laissée à voir pour plus tard, un titre forcément intraduisible parce que propre à l'idiome du français : "VOIR LOIN". C'est une expression courante qui joue sur le temps et le projet, et non sur la vue au sens soi-disant « propre ». Je te défie de pouvoir traduire fidèlement ce titre. C'est le genre de défi que Derrida calculait à l’avance, et c’est pour cela qu’il a été si bien lu en anglais, au contraire de notre philosophe national du Toucher. La déconstruction vise à montrer noir sur blanc que toute traduction, en tant que telle, en tant que traduction d’une langue à l’autre, même si proches parentes comme le sont français, anglais et le germain cousin allemand, est impossible et pourtant nécessaire, pour être toujours déjà là au départ comme le corps étranger ou, dit dans les termes de Nancy, l’Intrus dans la langue (dans la « maison de l'être »). C’est aussi pour cela que Derrida, pour couronner le dossier énorme de ma candidature à la carte verte pas plus verte que toi ni moi, un dossier de plus de six cent pages et avec douze lettres de recommandation de philosophes, poètes, éditeurs et même un psychanalyste célèbre pour son Vocabulaire de la psychanalyse, m'a écrit une longue et très élogieuse lettre de recommandation me désignant comme étant avant tout traducteur au plus haut sens du terme, c’est-à-dire (that is to say) doué du "don d'Hermès", titre de mon premier texte publié pour Le Temps de la Réflexion en 1984 et repris comme premier chapitre de C’est à dire (Poétique de Heidegger) en 1996.

Cette amie artiste coréenne est furieuse parce que je refuse de lire le contrat qu’elle a signé les yeux fermés avec son éditeur coréen, contrat rédigé en anglais, qu'elle a essayé de traduire en français avec l'aide de google.tr. Je lui ai répondu que, même si ce contrat avait été rédigé en français, il n'y a que les avocats qui puissent en saisir non pas le sens, mais la pertinence et la portée juridique réelle. Tout de même, il s’agit là de contrats. C'est comme le langage médical, il faut d'abord s'y connaître en la matière, et donc en avoir fait l’expérience - autre nom pour la traduction : « la traversée des grandes eaux », si l’on traduit le I-Ching ou Yi-King. De cette longue expérience qui dépasse l’exercice d’une profession (même de foi), nul Auteur n’a vraiment une idée claire. Mais je n'en dis pas plus sur la question: pendant dix ans que j'étais salarié chez une « grande maison d’édition » parisienne, j'ai été payé en droits d'auteur, ce qui m'arrangeait bien au niveau fiscal, lequel je juge totalement déraisonnable en France, et qui témoigne d’une persistance anachronique de l’Etat, et, plus particulièrement, d'une invasion en règle du Ministère des Finances dans la vie de chacun-e, écrirai-je pour finir ce paragraphe-parenthèse sur une note de political correctness ou nov-langue, dite "écriture inclusive" dont est fanatique ma fille géographe. Quelle féminisme!, applaudis-je en faisant exprès une grosse faute d'orthographe.  Que diable, pourquoi ne peut-on pas écrire féminisme au féminin? Parce qu’on peut tout écrire, mais pas tout parler.  

Pour revenir et répondre à ta question (il n’est jamais too late pour apprendre), si ma mémoire est bonne, la traduction de Sein und Zeit en Being and Time par Joan Stambaugh utilise ce terme de « beingness ». J'ai appris à traduire Heidegger à l'âge de vingt ans dans un lieu désert et sans électricité, grâce à la flamme d’une bougie et à la première traduction en anglais du même Sein und Zeit (Etre et Temps, devrait-on écrire, sans article), alors que je n'avais jamais fait d'allemand au lycée. Si François Vezin (alias Glandu) n'y avait pas fait obstruction par son ignorance têtue de l’allemand, on aurait publié la seconde section de S.u.Z. ou E&T traduite par mes soins en 1974, de même qu'il a fallu deux ans à Fédier, le maître venu de Suisse, pour accoucher d'une (mauvaise) traduction d'Unterwegs zur Sprache. C’était à la mort de Heidegger en mai 1976. Je revenais de Bretagne après avoir fait quelques jours de voile avec un ami (juif, il va sans dire) qui conduisait une 2 CV pourrie mais avec un toit ouvrant comme ont les Dupont/Dupond dans Tintin au pays de l’or noir. On a tous les deux éclaté de rire en apprenant la nouvelle de la mort du « Maître de la Forêt-Noire » (pas encore celui des Black Notebooks) sur France-Inter. Fédier m'a bien remercié (en tant que "mon ancien élève" au lycée Pasteur) dans la Présentation de sa traduction Acheminement vers la parole, quand j'avais soigneusement mis comme titre "En chemin vers la langue".  Car, si le verbe sprechen veut bien dire "parler", il aurait fallu mettre en français le verbe substantivé, à savoir le parler et non la Parole (d'Evangile). Le nom die Sprache (au féminin dans les deux langues) n'est pas "la parole" en LANGUE française. Mettre "le langage" n'est pas non plus juste, car il ne s'agit pas davantage de généralités logiques à la Wittgenstein et encore moins de linguistique. Il s’agit de la langue où l’on vit et habite, la langue vivante donc, même si par écrit elle peut être tenue pour une langue morte comme le grec ancien si différent du moderne pour moi incompréhensible.

Thursday, January 17, 2019

From Brexit back to Grexit

Letter to a British old friend


Dear Tilly,

Sorry, I missed your birthday, I remembered it was around mid January but failed to check on Facebook, I'm too tired of so-called social media.

Well, we're the same age now, not bad at all. We made it. I'm still living, alone, though with two adorable kitten, in the Britton family big and empty house, but I managed to fix my fireplace and add one room and two high-tech electric heaters, During the school vacations, my elder daughter come and visit me with her two adorable kids. Since May 2018, she's a tenured Professor at Paris-X. Nanterre where I was an undergraduate student in philosophy from 1971 to 1975,  

But times have completely changed since May 68, or rather "time is out of joint" as said your national treasure, William Shakespeare.

In view of a Brexit with or rather without a deal, let me say this: it doesn't matter, I can travel anywhere thanks to my US passport. Anyway, I failed to renew my French one, which has always been of poor help in foreign countries. Politics is even worst in France than in the US or the UK, with their yellow jackets = not worth a yellow submarine. If you want my real opinion on the subject, I say: let it be, anyway Europe has become one big German business. They have the money and therefore the power. The Greeks should have left the E.U. since the No (
οχι) referendum in June 2015. I was there, in a tiny Aegean island and then in Athens too – a city I love more than any other in Europe, even Paris or London. – I was there watching the situation deteriorate, and the vote by the people rejected by this weak and loose guy named Tsinakis. Have you read what his Finance minister, Yannis Varoufakis, has written on the "crisis"? He’s a really smart and seducing guy, a bit too seducing with his leather jacket and motorbike, but truly a brilliant economist from Harvard. He has now moved to Berlin, trying to wake up European minds in radical theory. Unfortunately he’s from a soon to be extinct species, promised to become Geist or ghost, as communism was for capitalism according to Karl Marx Manifesto. 

I saw them, my beloved Greeks, not the German or French tourists, being unable to get any cash at any ATM. I wish they had the courage to exit the malaria Euro-zone, and cancel their extravagant Debt. Even the FMI had to recognize the absolute impossibility of paying back more than the interests, which are already too high. I wish Germany were less lucky when the U,S, erased their debts after their collapse in 1945, I wish Crete was not bombed in vain by the Nazis, I wish history in general were more grateful for the heroic people especially when they are poor. and helpless. At least the Greeks might have kept their pride. But no, humiliation and injustice seem to be their endless condition.

I had to leave this friendly and courageous people in a total mess from years of their careless and corrupt government, but primarily from false promises and true lies from the French and German banks, and these secret institutions as the Eurogroup with no transparency or “democracy”, a word and a reality that has appeared in Athens 2000 years ago. As with the origins of Western philosophy, a Greek word too, invented by Plato to mean friendship in place of unreachable wisdom.

But is there any place in Europe for a democracy, especially the One “to come” - à venir, to quote our last philosopher, Jacques Derrida, a "Jew" born in Northern Africa and chased from the Republic school by the "French" antisemitic government, l'Etat Français, an "icy monster"(according to Friedrich Nietzsche), born from amnesia and shame and resent for the Front Populaire and its paid vacations for the workers? Are they still real workers in this dis/connected and confused "world" ? Oh yes, I forget you have your Labor Party... well, I wish them good luck, they'll need it 'badly', as says Donald.



Tuesday, January 15, 2019

Lettre à une amie coréenne

Je vais m'occuper de ton escroc d'éditeur et çava faire "du bruit dans Landernau" comme on dit en français, soit beaucoup de bruit et pas rien que du bruit, crois-moi. 

(Landernau est une petite ville perdue dans le Finistère, département à l'extrême pointe Ouest de la Bretagne, dont le nom signifie "la fin des terres". C'est un peu la position idéale pour un pur Occidental comme moi. C'est aussi pour cela que j'aimais Seattle, San Francisco, et tout le Pérou. Mais j'ai décidé d'y retourner un jour pour franchir le Pacifique depuis l'Ouest, et non en allant vers l'Est, qui est l'erreur magistrale des Européens et maintenant de Trump qui s'est fourvoyé avec les Russes au point qu'il songe à quitter l'OTAN (ou NATO), au moment où sa compromission pendant la campagne de 2016 n'est plus à démontrer - la justice est à ses trousses, il n'y a plus de gouvernement fédéral, il en est encore à vouloir son mur inutile et ruineux pour empêcher qui de venir "envahir" son rêve américain pourri jusqu'à la moelle: les populations d'Amérique centrale encore plus dénuées que nos "réfugiés" même Syriens.  

(Le monde va sérieusement très-très mal, S.-G. Peut-être sommes-nous à la veille d'une troisième guerre mondiale, et nous continuons à nous occuper de livres comme si de rien n'était? Mais que faire d'autre: certainement pas bloquer les ronds-points comme ces idiots de gilets jaunes qui font beaucoup de bruit pour rien du tout, ou pour amener les extrêmes-salauds de droite ou de gauche, ou plutôt de Le Pen à Mélenchon à se croire vainqueurs, et du coup Macron à doubler le fliquage de toute la "société" en voie de dissociation générale. D'ailleurs, de gilet jaune (couleur douteuse), je n'en ai pas dans le coffre de ma Mercédès (automatique, bien sûr), alors que c'est obligatoire en France. Mais tout l'est, obligatoire et interdit, tout est réglementé, policé, surveillé, sécurisé, comme si la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen n'avait jamais été promulguée à la première Assemblée Nationale en 1789, au nom du peuple français pour l'émancipation universelle de tous les peuples du monde... Mais la naissance de la nation est-elle vraiment un cadeau pour l'humanité? Je fais partie des vieux trotskistes partisans de la Révolution dans tous les pays et pas juste en Russie comme le voulait le "père des peuples", le camarade Staline - mort en 1953, mon année de naissance.) 

Il se fait tard, je boucle cette longue parenthèse géographico-historico-politique et ouvertement asociale, et te souhaite bonne nuit, ne te laisse pas faire par ces cochons et dors du sommeil du Juste, comme doit le faire notre grand disparu Jacques (Derrida). Il en a de la chance, d'être ailleurs (et d'ailleurs).