Tuesday, November 3, 2009

Trakl-Tod


An Novalis
In dunkler Erde ruht der heilige Fremdling
In zarter Knospe
Wuchs dem Jüngling der göttliche Geist,
Das trunkene Saitenspiel
Und verstummte in rosiger Blüte.
Georg Trakl (Nachlass, Gedichte 1912-1914, 2 Fassung)
Der Tod ist eigenste Möglichkeit des Daseins. Das Sein zu ihr erschliesst dem Dasein sein eigenstes Seinkönnen, darin es um das Sein des Daseins schlechtin geht.
Martin Heidegger, Sein und Zeit, 1927, Max Niemeyer Verlag 1967, p. 263.
... "alors qu'il suffit de recevoir tranquillement une balle perdue sur un champ de bataille, il était évidemment déjà fou avant de rentrer à l'hôpital, démence précoce, disent les autorités, précoce par rapport à l'autre folie, la folie élevée au carré d'un monde en proie à la frénésie suicidaire... De sorte que l'équation "folie précoce & privée + folie mûre & générale = zéro" vous est apparue comme le summum de l'évidence & du non-sens, d'une logique foudroyante et que votre Wittgenstein saurait exposer jusque dans toutes ses implications, jusqu'au suicide de la logique elle-même! Cela donnerait quelque chose de ce genre: un fou se tue pour ne pas être tué par d'autres, ou pour ne pas être fou comme les autres... Mais alors, était-il fou? Evidemment, aux yeux des autres; mais si ces autres étaient eux-mêmes fous, si la folie est l'évidence, le sens commun de ceux qui ont perdu le sens? Et s'il n'était pas fou, il était le seul à ne pas l'être, ce qui revient àdire qu'il était fou... On n'en sort pas, ou cela, cette logique grinçante aboutit au verdict lapidaire du communiqué militaire: Il est mort le 3 novembre [1914] vers 9 heures du soir et a été inhumé au cimetière voisin de Rakovitz..."
MFM, Tombeau de Trakl (Paris, Belin, collection "L'extrême contemporain" dirigée par Michel Deguy, 1992), p. 86.

Friday, October 30, 2009

viatique




Viatique, du latin via, la voie (ouverte), a toujours été associé aux religieux, car ces mecs à la redresse faisaient de longs, longs, voyages métaphysiques pour baiser la phalange du Prophète ou embrasser le foie du Saint conservé pieusement dans le formol des formules sacrées. Et il faut bien vivre sur la route de la sainteté. « Savoir est un viatique », bravo Hugo pour ton extrême onction ! C’est la phrase citée juste en dessous de la deuxième entrée du mot : « 2. Communion portée à un mourant. Recevoir le viatique. »

Tuesday, October 27, 2009

PUNK GOD-DOG FROM PERU

Le "chien nu" devant les ruines reconstituées de la Huaca Pucllana, photo MFM prise le 8 octobre 2009. La Huaca Pucllana se trouve au coeur de Miraflorès, le quartier chic de Lima. Au retour àNashville, je tombe sur une autre photo du même chien (www.msnbc.msn.com/id/16751971 ) dont je découvre le nom en lisant l'article ci-dessous signé Andrei Khalip et publié par msnbc le 22 janvier 2007:

LIMA, Peru - His eyes gleaming with joy underneath a natural yellow mohawk, Josh the Peruvian Hairless Dog heads out to greet tourists at Lima’s Pucllana ruins.
About the size of an English pointer, Josh and his kin are not guard dogs, instead they are guarded behind the walls of this and other historic monuments on the Peruvian coast — the hairless hound’s habitat for more than 3,000 years.
They are part of the historic scenery here, but the canine breed almost became history several years back.
“Now we can say they are safe, saved by this project, but a few years ago the Peruvian Hairless Dog was under threat of extinction in Peru,” said Pedro Vargas, coordinator of the Huaca Pucllana archeological project excavating an ancient temple site of the Lima civilization dating back to 500.
The breed normally has hair resembling a mohawk on the head and a tail brush, but otherwise has naked dark, very warm skin.
Conquistador dog fights
Its history is long and rather sad, especially after the Spanish conquest starting in 1532.
Native pre-Incan civilizations used the dogs for hunting and as pets for company. They are represented on the ceramic pottery of the Chimu, Moche and Chancay cultures found on the coast.
They were sometimes mummified and buried along with people to help the departed find their way to the world of the dead or to continue serving their owners in the afterlife.
The Spanish brought giant war dogs to fight the natives and would often amuse themselves by setting off one such dog against a small pack of the smaller local breed.
“There are reports it could tear four, five hairless dogs in pieces easily,” Vargas said, caressing Josh’s head.
For centuries afterwards, it mostly ceased being a pet animal and would roam along the coast feeding on mollusks, often hunted by people simply for fun or for skins, believed to help with arthritis and used sometimes as thermal bags due to a popular myth that they retain heat.
Pair required at each site
As a result, the breed got to the 21st century on the brink of extinction, and that’s when the government decided to safeguard it by ordering all archeological sites along the coast to have at least a pair -- after Huaca Pucllana’s 1989 initiative. They are now also Peru’s only own world-registered breed.
“We know there are quite a few now, and there are people breeding them and people buying them here and for export — it is a luxury dog now,” Vargas said, adding though there was still a lot of prejudice against the dog’s naked skin.
“Ugly dog, they call it, dirty dog, ‘punk’ dog. But it is much cleaner than hairy dogs — leaves no hair around the place, has no fleas, does not provoke allergies. And it is a great company and a live thermal bag in winter.”
Josh, his mother, Jala, and brother, Cuni, feel quite at home at the Lima ruin, where the breed had lived for millennia.
“It’s rather curious,” Vargas said. “As soon as the museum closes it’s like they say: ‘Our home is ours again,’ and start walking up and down the walls of the ruin. They are the masters here.”
Copyright 2009 Reuters.

Tuesday, September 22, 2009

Signé Mushroom


Il y a deux jours je reçois la lettre suivante du notaire de famille, prénommé Malo comme la ville du Saint. Elle m'est adressée à mon adresse à Nashville, Etats-Unis ("Etats-Unis" surligné au marqueur jaune fluo). Il n'est pas inutile de préciser que le "comme convenu" de la première phrase n'a aucun fondement factuel.

Monsieur,
Je vous joins comme convenu les procurations à me retourner datées et signées de votre main en dernière page, et revêtue de vos initiales portées en bas de chacune des autres pages.
Vous devrez faire légaliser votre signature soit par un Notaire soit par le Maire ou l'Officier d'Etat-Civil de votre Commune, cette formalité étant obligatoire. Pour cela vous complèterez la procuration comme indiqué ci-dessus devant cette personne.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués., [sic: .,]

Je m'insurge: faire légaliser ma signature? Vous vous rendez compte? Parce qu'elle ne vous suffit pas? Et puis, quelle signature? A quel pays ou Commune appartient-elle? M'appartient-elle même? En tout cas, certainement pas à l'Etat si vil. Et je signe ici même: MFM.

Monday, September 14, 2009

vendredi 13 septembre 1963


Une date seule survit, le vendredi 13 septembre 1963. A peu près tout ce que je sais sur mon arrivée à Alexandrie : zéro souvenirs sinon ceux de mon frère qui tournaient autour d’un chien qui s'appelait Coco comme un communiste, c'était l'abréviation du nom aristocratique que ma marraine appelée Divine (traduit du grec) lui avait initialement donné, Coriolan ; ce chien était admirablement éduqué. Pendant les trois jours que dura la traversée de Venise à Alexandrie, il s'était retenu de faire ses besoins, mais à peine arrivé sur les quais, il se mit à inonder le premier palmier venu. Voilà mon arrivée en Égypte, un chien qui satisfait ses besoins de naturel. Il n'est pas difficile de me mettre à sa place: pendant deux ans pouvoir pisser contre les palmiers ! Deux ans de bonheur intense, absolu.


Extrait d'un chapitre apocryphe du Livre des Morts, séance ML01 du 22.11.05. Vérification faite, ce jour-là marqua l'explosion d'une bombe thermonucléaire appelée "BILBY"

Sunday, September 13, 2009

optimisme raisonné

"Heureusement que cette vie est la seule, et que cela est évident, puisqu'on ne peut s'imaginer une autre vie avec un ennui plus grand que celle-ci."
Rimbaud à sa mère, d'Aden.

Friday, September 11, 2009

Cessons de célébrer le 11 septembre!


"Les nouvelles, que ce soit terrible ou risible, non, il est rare, presque inédit que cela me touche."


La phrase figure dans une parenthèse du chapitre d'Incitations sur le "philosophe du toucher" (Jean-Luc Nancy pour le nommer "entre nous") en réponse à une lettre qu'il m'écrivait "juste après la chute du mur" (donc fin 1989) : "Que se passe-t-il ici? Ce matin (il est six heures), j'attends de prendre les nouvelles de Roumanie. Voilà dans quoi nous vivons."


Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, paraît-il. C'est ce qu'on m'a seriné toute ma vie, sans m'avoir jamais convaincu: qu'irais-je à faire du monde si je suis crevé? Aussi avais-je ajouté une petite note de bas de page:


1. Je dormais le matin du 11 septembre. Par la suite, je me suis dit: si tout le monde avait fait comme moi! Plus un seul terroriste.


Mais aussi: plus un seul Guantanamo (la privation de sommeil y a figuré en tête des tortures, avec la baignoire directement importée des méthodes de l'armée française en Algérie), plus de guerre inepte comme celle qui dure depuis près de 8 ans, et qu'il serait temps d'arrêter maintenant que le 11 septembre 2001 est devenu presque aussi lointain et probablement bien moins "touchant" que le 11 septembre 1973 à Santiago de Chile.


"Ces événements ont été très grands et ils m'ont occupé tous les jours. Mais, aujourd'hui, ils pourrissent, leur histoire est morte et mortes aussi ces heures et cette vie qui alors ont été les miennes. Ce qui parle,c'est la minute présente et celle qui va suivre. A tous ceux qu'elle abrite,l'ombre du monde d'hier plaît encore, mais elle sera effacée. Et le monde qui vient tombe déjàen avalanche sur le monde d'autrefois."

Monday, August 10, 2009

Hypatie la vraie Cathare d'Alexandrie


L'historien chrétien Socrate le Scolastique rapporte dans son Histoire ecclésiastique (vers 440) : « Il y avait à Alexandrie une femme du nom d’Hypatie ; c’était la fille du philosophe Théon ; elle était parvenue à un tel degré de culture qu’elle surpassait sur ce point les philosophes, qu’elle prit la succession de l’école platonicienne à la suite de Plotin, et qu’elle dispensait toutes les connaissances philosophiques à qui voulait ; c’est pourquoi ceux qui, partout, voulaient faire de la philosophie, accouraient auprès d’elle. La fière franchise qu’elle avait en outre du fait de son éducation faisait qu’elle affrontait en face à face avec sang-froid même les gouvernants. Et elle n’avait pas la moindre honte à se trouver au milieu des hommes ; car du fait de sa maîtrise supérieure, c’étaient plutôt eux qui étaient saisis de honte et de crainte face à elle. »
En mars 415, à 45 ans, elle meurt lapidée par des chrétiens fanatiques. Selon la thèse de Socrate le Scolastique (vers 440), les chrétiens lui reprochaient d'empêcher la réconciliation entre le patriarche Cyrille d'Alexandrie et le préfet romain Oreste à la suite de conflits sanglants entre diverses communautés religieuses d'Alexandrie. Selon la thèse du philosophe néoplatonicien Damascios (en 495), l'évêque aurait découvert par hasard, en passant devant chez Hypatie et en voyant la foule qui s'y pressait, la popularité de la philosophe. Toujours est-il qu'elle est arrachée à sa voiture, entraînée dans une église, siège patriarcal, consacrée à Saint Michel, appelée le Caeserium quand l'édifice était le centre du culte impérial à Alexandrie. Hypatie est déshabillée, tuée à coups de tessons, mise en pièces. Ses restes sont promenés par les rues et brûlés.

hagiographie

C'était une jeune chrétienne de la noblesse et donc bien éduquée qui se présente à l'âge de 18 ans à l'empereur romain Maximin lequel se livrait comme ses prédécesseurs à son jeu favori, la persécution des chrétiens. Mais la future Sainte avait des couilles en or massif philosophale pierre ponce tout. Au Maxi minus elle fit un sermon en lui montrant la futilité de ce passe-temps qui en fait servait la cause des chrétiens trop contents d’être martyrisés et ainsi d’attirer l’attention des media avides de cirque & showbiz. Ce que la légende ne dit pas explicitement mais qu'on peut déduire de son lieu de naissance, à savoir Alexandrie, il y a de bonnes chances que Catherine ait été une sorte de marrane à des siècles d'avance. Son origine noble et égyptienne entre en contradiction flagrante avec la condition sociale brute des esclaves qui fournissaient la majorité des troupes de la nouvelle religion hégémonique utilisant des techniques de conditionnement des foules depuis modernisées et perfectionnées au benzène. Mais la singularité de cette figure unique dans l’histoire ne tient ni à la condition sociale ni même à une sorte d'idéalisme révolutionnaire qui serait ici singulièrement anachronique. Encore moins de féminisme mais lisons plutôt la suite : « Abasourdi et insulté par l'audace de la jeune femme, mais manquant des talents requis pour discuter de logique formelle avec elle, l’Empereur la fit enfermer dans les cachots de son palais ; puis il appela tous ses savants et tout ce qu'il avait pu rassembler de suppôts supposés savoir pour qu’elle soit convaincue d'apostasie à l’envers ou l’enfer de la foi chrétienne ; en la convainquant d’avoir commis une hérésie contre la religion romaine impériale, Maximin se donnait les moyens d’exécuter de manière légale une membre éminente de la classe noble. Tant que les esclaves abondaient pour boire à la lie la coulpe des chrétiens, il n'y avait pas vraiment grand danger pour Rome, mais si les élites commençaient à se tourner vers cette diable de religion apocalyptique, l'empire n’était plus seulement à s’empirer mais foutu ! Mais là je suppose que notre Empereur ne voyait pas si loin, donc j'ajoute le complément essentiel : cette sainte se disait mariée, non au Christ qui n’est qu’un homme, mais à une entité toujours dite au féminin, bien que dépourvue de toute effigie, à savoir Sophia en grec, celle dont les philosophes, c'est-à-dire les hommes dans tous les sens du mot, sont par principe et comme de naissance les amis inconditionnels, à la vie à la mort. Le tournant dans l'histoire, comme du lait qui tourne aigre, soit le christianisme devenu philosophique, soit grec dans un sens à préparer & justifier à l’avance la décomposition avancée du christianisme : disons que c'est là la première introduction de la déconstruction dans ce qui paraissait absolument aller de soi aussi dur qu'une pierre. Plutôt que Pierre qui a renié son maître — comme si ce n’était pas Judas qui lui avait mâché tout le sale boulot, — Paul, un vrai juif lui, avait vu le danger à l'avance et avait su nommer l'ennemi en parlant de la « folie du monde », par quoi il désignait précisément le contraire de ce qu’on a traduit malencontreusement par « sagesse » (comme s’il pouvait y avoir un contraire à la folie de la raison), en tout cas d’une femme qui incarne donc l’idéal des philosophes purs et durs : la Diotima du Banquet de l’Ermite de Grèce ou encore la Sophie du saut par-delà l’essence ou les sens. J'aurai ainsi réécrit la légende mais l'histoire condamne à la réécriture sans fin d'un même texte dont le sens s’est oublié depuis avant même la première fois. Toujours est-il, je continue cette histoire pieuse et même épieuse : Contrairement aux attentes de Maximin, Catherine réussit à rendre fous les hommes de soi-disant science aux ordres comme toujours du pouvoir gris. Sans même recourir à la ciguë, elle se contenta peut-être d'en appeler à leur conscience, mais là je ne sais pas comment elle s'en est tirée : peut-être a-t-elle fait comme Jeanne d'Arc ou Antigone, c'est-à-dire invoqué des lois non écrites inconnues même des hommes de loi. Au Moyen Âge, Sainte-Catherine était rangée parmi les 14 seins les plus utiles au ciel ; certains voient en elle l’ange qui apparut à Jeanne, mais c’est une vision sans plus de fondement que celle qui en fait l’âme damnée de Gilles de Rais. La vérité est qu’elle ruine tous les bourreaux du bon sens sur un bûcher, elle est la Rouée qui aura fait éclater la roue au moment où son corps pantelant y avait été déposé, devenant plus tard l’enseigne des Décolletés. Son secret tenait en ce corps même : son Toucher parlait plus fort que tout autre argument. Par une ironie du sort, elle devint donc l’ange gardienne des philosophes et autres hommes de parole qu’elle avait rendus muets, destin anticipant sa décapitation finale ou pas tout à fait finale puisque le corps tronçonné mystérieusement réapparut intact et momifié dans les règles de l’art du désastre cinq siècles plus tard au sommet de la montagne dite de Moïse, très exactement au lieu-dit où Dieu aurait aveuglé le même Moïse têtu comme une mule sous la forme d'un buisson ardent qu'on montre encore aujourd'hui à l'intérieur du monastère Sainte-Catherine qui contient d'ailleurs aussi une mosquée mais pas de synagogue. La légende dit que son corps avait été métaphorisé au mont Sinaï par des anges où par la suite fut construit un monastère sur l'ordre de l'empereur Justinien qui s’était donc converti au christianisme et avait entraîné l’empire avec lui.

Saturday, August 1, 2009

Post-scriptum

Post-scriptum

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin est devenu le vestige d’un autre temps. Ce qui est arrivé là — des centaines de milliers d’Allemands de l’Est franchissant librement, pacifiquement et joyeusement le « mur de la honte » — échappe encore à toute prise de mesure. Nous ne savons que cela : qu’il est arrivé quelque chose de décisif, d’irréversible, non seulement à l’Allemagne, mais d’abord à l’Europe tout entière. A terme, en effet, c’est non seulement la nécessaire et souhaitable réunification d’une nation absurdement déchirée, mais d’abord celle de l’Europe, qui ne se réduit pas à ce protoplasme mou de l’ « Europe sans frontières » de 1992. Dans une certaine mesure, c’est même cette perspective de 1992 qui risque de poser les barrières à l’avenir, en reconstituant, à l’envers, le rideau de fer, ou plutôt le rideau du capital. L’Ouest va-t-il se replier sur la « forteresse Europe », refusant la fin des blocs, le désarmement et la glasnost partout, du Finistère à l’Oural ? Va-t-il refuser la chance, unique, qu’enfin un autre commencement nous arrive, nous transforme en un « Nouveau Monde » certes à mille lieues de l’Amérique, mais où l’Histoire, enfin, se remettrait en marche, pour accomplir cette modernité toujours différée depuis deux siècles ?
(Seattle, 13 novembre 1989)

Source : MFM Solitudes (de Rimbaud à Heidegger), Galilée éd., collection « La philosophie en effet » dirigée par Jacques Derrida, Sarah Kofman, Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy [dernier survivant à l’heure où le même MFM republie ce post-scriptum 20 ans après, ou presque].
Ce « post-scriptum a été rajouté au dernier moment, bien après que le livre ait été lu, critiqué et finalement accepté (à mon plus grand honneur) dans la collection où j’ai par la suite « donné » 5 autres volumes (en comprenant 2 traductions, une de l’anglais et l’autre de l’allemand). Il venait à la fin du chapitre 9 intitulé « L’horreur du vide » dont une première version avait été publiée dans le volume VIII (1987) du défunt Le Temps de la Réflexion, qui a cessé de paraître suite à mon départ pour Seattle en tant que « visiting professor » à l’Université de Washington (attention ne pas confondre avec Washington D.C. comme j’avais failli le faire par ignorance complète de la géographie américaine ; ceci pour expliquer aussi qu’à l’époque je croyais encore à un « destin » historique ou historiale pour l’Europe, à condition, bien sûr de ne pas glisser dans la mauvaise pente que je voyais déjà venir avec le Traité de Maastricht contre lequel j’ai au reste voté , comme j’aurais aussi bien voté, si j’avais pu, contre cette foutue Constitution qui « nous » a été imposée de force au mépris de toute « volonté populaire » (même si je préfère dire plutôt, We, The People, intraduisible au moins littéralement en français : « Nous les gens » ? Mais vous n’y êtes pas, mon pauvre ami : les gens ou l’enfer, c’est les autres, nous a-t-on seriné tant de mauvaises fois).
Pour en venir à « L’horreur du vide » : il visait, spécifiquement, l’architecture nazie d’Albert Speer et sa vision délirante du Gross Berlin qui avait continué à survivre chez un certain nombre de « théoriciens » français de l’architecture. Bien entendu, la date de première publication compte particulièrement dans le contexte délétère de l’ »affaire Farias », qui se trouve traitée, je crois à fond, dans le dernier chapitre sous le titre assez prémonitoire « Ce passé qui ne veut pas passer » mais que j’avais bonnement traduit du titre d’un article d’un historien allemand que je qualifierais volontiers de révisionniste, même s’il n’est pas aussi criminel que Faurisson l’émule de Jean Beaufret.
Après 20 ans d’Amérique, et surtout l’élection d’Obama à la présidence de ce qui reste le plus « influent » (pas nécessairement puissant) pays du globe, je commence à bien mesurer l’abîme qui sépare l’Europe du « Nouveau Monde » : c’est peut-être simplement une affaire temporelle ou temporale : vestiges et ruines du passé « qui ne veut pas passer » d’un côté, et croyance, peut-être un peu puérile mais tout de même moins déprimante, non en un avenir « radieux » comme les mensonges communistes, mais, simplement, en des possibilités, même si elles paraissent aussi inimaginables que l’élection d’un président noir à la Maison-Blanche, et d’un président qui, lui, n’a nullement perdu la mémoire ni maquillé l’histoire : oui, les Etats-Unis reposent en partie sur l’esclavage et la ségrégation qui persiste encore « aujourd’hui », mais au moins, quelqu’un, au nom de We the People, a décidé qu’on pouvait changer tout ça, et par exemple qu’on pouvait être américain et black, latina, et même… disciple fervent de la grande Révolution Française (pas allemande, désolé). Car 1989 aurait pu « renouer » avec 1789 le fil interrompu de la modernité dont nous n’avons plus guère le goût — la faute à qui ?

Monday, July 27, 2009

La Démocratie est-elle une Idée universelle ?


La Démocratie est-elle une Idée universelle ?
Une Idée, oui, peut-être, si c’est au sens kantien de l’Idéal de la raison pure (encore faudrait-il pouvoir s’assurer de sa pureté), ce vers quoi l’on ne peut que « se » diriger : et en ce sens uni-versée plus encore qu’universelle : tournée vers l’Un — du même (« globe »), sans donc discriminations dues aux frontières, nationalités, ethnies, églises, etc. sans que tout cela, le merdier « social » puisse s’oublier ni disparaître du jour au lendemain : peut-être les Etats-Unis dans tous leurs états, soit hors d’état : faut-il encore des Etats ? Mais je me sais halluciner en plein jour, encore une fois. Je ne reproche pas à la Démocratie d’éveiller une Idée sublime mais bien sa réalité sordide : on ne fait que compter les voix sans jamais chercher à les entendre. Seule la voix, toujours unique et mienne comme le Dasein, fait la différence ; toutes les autres distinctions sont remplaçables comme pratiquement toutes les pièces du corps humain. Un blanc peut avoir un cœur de femme noire, et ce cœur continuer à battre pour le même « un » qui n’est ni noir ni blanc… L’Europe ne fait plus cap nulle part : c’est une épave échouée et bientôt destinée à devenir un gigantesque musée sponsorisé par les Chinois reconvertis dans l’exploitation des chinoiseries occidentales… même si les Mandarins ont fini par tous passer l’arme à gauche et, plus souvent, à droite. Le fait est saisissant : ce n’est plus même une affaire de décalage entre continents.
OBAMA sonne un peu comme KAMUNGO, nom en dialecte « amazonien » d’un oiseau bizarre, haut sur pattes mais pataud de plumes, venu déposer au milieu de quelque bourbier ses œufs solitaires tout en émettant un son culminant en gargouillis incongrus, borborygmes dirait Nancy… Je parle d’une analogie dans la dynamique des noms : j’aime qu’Obama vienne du Kenya, qu’il africanise un peu l’Amérique… à l’inverse des Français qui s’américanisent sans même s’en rendre compte, comme des autruches malotrues. Après tout (et il y aura un après à tout), la forêt est notre seul avenir sur cette planète dévastée.
(Ce poste a été écrit avant l'élection d'Obama; il remplace celui sur l'affaire Gates, du nom de ce professeur Noir de Harvard qui s'est fait STUPIDEMENT arrêter par la police--blanche--pour avoir osé lui "répondre" après avoir prouvé qu'il était bien chez lui; des voisins, encore eux la plaie, avaient cru à un cambriolage et appelé 911. L'affaire n'est pas tout à fait finie, mais a prouvé une fois de plus qu'il existe encore, même maintenant, un préjugé fatal, enraciné profondément dans l'histoire de ce pays construit sur l'esclavage, lui-même d'origine européenne comme la colonisation et la phallologocentrie à la Berlusconi-Sarkozizi...)

Thursday, July 23, 2009

au pays des cous rouges

Il n’y a toujours pas de palissade. Les deux cous rouges d’en face sont sortis biduler, machiner quelque truc machin-chose dans leur bazar de poubelle pas belle, tout en échangeant des sons rocailleux vociférés, glougloutant comme des dindons mélangés de paons. L’observateur, individu tout de noir vêtu, croise les jambes assis tranquillement sur un siège lui aussi noir mais d’un noir passé, cendreux ; il a posé dans l’herbe l’arme du crime, déjà à demi rongée. Il a besoin de ses deux mains pour se prendre la tête à la vue du néant contondant qui semble lui couper le sifflet.

N.d.T. Il faudrait plutôt dire 'nuques rouges' mais le mot 'nuques' me fait aussitôt penser aux eunuques; or je ne veux pas en rajouter sur mes voisins, love your neighbor, nos prochains pas tellement pro-chiens, les leurs restant attachés jour & nuit à aboyer, et même hurler à la mort à chaque sirène de police...

Wednesday, July 8, 2009

voir sa terre ou mourir


Plat sillage

Voir sa terre ou mourir je ne sais pas si je dois rendre compte de tant d’heures agitées au travers des rues luisantes et désertes, mais essayons voir : rien que pour ? Qu’ai-je à rire, non, elle ne veut pas dire « dire » tout court, je suis donc rentré chez moi mais c’est comme si quelqu’un d’autre était à ma place et je me demande maintenant que c’est l’heure du compte rendu : dis-moi qu’as-tu vu chez toi ? Tout était paralysé, pareil à soi-même car là-bas rien ne change et pourtant il ne reste rien ou si peu de ce pays qui fut bien le mien. Oui, je pense au crime dont mon pays s’est fait complice, c’est fait de quoi ou de qui un pays ? Il y a l’île, les lieux inhabités, un quartier où je n’avais jamais habité et pourtant cela ne faisait aucune différence : j’avais déjà été là, la boulangerie avait toujours été là, au pas de la porte, on y achetait les mêmes croissants, parfois des chaussons aux pommes et puis il y a les éclairs, les éclairs au café naturellement. L’éclair me dure, avais-je lu durer la durée d’un éclair en général et pas une minute de plus, un ange en un éclair : c’est pour ça que le gâteau s’appelle comme ça juste pour me dire, ou pour rire : rendez-vous compte décidément voir sa terre ou mourir, ça fait du pareil au même.
novembre 2007

Tuesday, July 7, 2009

la faim abstraite


7 mars 2009
La faim : « abstrait », écrit une de mes étudiantes, elle nullement abstraite, hélas !
Suis-je comme Arthur trop terre à terre ? mais à quelle terre, maintenant, ici et maintenant : dévastée… Alors comment ai-je pu avoir l’envie furieuse de démolir à coups de pioche tous les murs de la maison — notre seul Refuge ? à cause de l’odeur de vernis dans mon bureau.
(J’écris dehors — 4 bougies, que j’ai prises reflétées dans l’arbre à découvert puisque les stores sont déposés — pour en remettre des neufs, en tissu japonais et non en plastique — intention plus qu’honorable mais l’enfer en est pavé.)
Et maintenant j’ai une faim non abstraite — peut-être est-ce tout ce qu’il me reste : alors la garder jalousement bien serrée au ventre, qu’elle ne s’échappe pas en me laissant démuni de tout.

Le gruau d'Héraclite contre la Crise

Gruau n.m. (1390 ; gruel XIIe ; frq grût)
1. Grain d’avoine, privé de son. Plat à base de gruau.
2. Fine fleur de froment.

Il existe deux versions de la même « anecdote », l’une, brève, due à Plutarque dans son traité « Du bavardage », l’autre, plus longue et également plus tardive, de Thémistius, philosophe péripatécien qui vécut au IVème siècle après J.-C. Plus moralisante, cette dernière a l’avantage de restituer le contexte historique : Ephèse, où vécut toute sa vie Héraclite (pas toujours reclus dans le Temple d’Artémis la Vierge farouche), était alors assiégée par les troupes perses… Or « les Ephésiens étaient habitués à vivre dans l’abondance et le plaisir. » Le siège ne leur fit pas changer de mode de vie et « ils n’en continuèrent pas moins à se divertir comme de coutume. Mais les provisions commencèrent de faire défaut dans la cité et, quand la faim se fit durement ressentir, les habitants se réunirent discuter voir ce que l’on pourrait faire pour remédier à la pénurie ; personne cependant n’osa proposer de mettre un frein à leur train de vie. Lorsqu’ils furent tous réunis, un homme nommé Héraclite prit du gruau d’orge, y mêla de l’eau et le mangea en restant assis parmi eux ; cela fut une leçon silencieuse donnée à tout le peuple. » Grâce au gruau d’Héraclite, conclut le narrateur, les Perses replièrent bagages, ayant compris qu’ils ne pouvaient vaincre des hommes qui savaient se contenter de ce qu’il y a, ainsi que disait déjà Plutarque qui présente la scène de manière plus philosophique : le geste d’Héraclite est bien plus parlant que tout un discours, dit-il en écho à Heidegger pour qui seul peut parler celui qui sait se taire. Une autre anecdote, rapportée cette fois par Diogène Laërce, dit que qu’un débateur ayant demandé à Héraclite pourquoi il gardait le silence, il répondit : « c’est pour te faire parler, âne bâté ! » Mais la leçon reste d’abord politique (comme toute la pensée d’Héraclite). Le même Diogène Laërce cite une pseudo-lettre du « roi Darius, fils d’Hystape » aurait adressée « au philosophe Héraclite d’Ephèse », où il l’invite à sa Cour pour « être initié par toi à la science des Grecs ». Il lui fait même valoir que nul n’est prophète en son pays et que « les Grecs en général n’accordent pas aux savants toute l’estime qu’ils méritent ». Mais ces flatteries n’ont aucun effet : « Tous les hommes aujourd’hui s’écartent de la vérité et de la justice » : tous, Grecs et non-Grecs, ne sont assoiffés que de ce qui ne cesse de les altérer, pouvoir et honneurs. « Quant à moi, je me contente d’un rien et je vis à ma fantaisie. »

Sunday, June 14, 2009

Is-is & le Nom du Père


[Le texte hiératique de cette histoire a été publié d'abord en français d’après le papyrus de Turin (1869-1876) et authentifié par la suite. En voici le compendium :]

Isis était une magicienne hors pair fatiguée des millions d'hommes, plus lasse encore de son despote de Père. Alors elle méditait, se disant : « Si je pouvais posséder le nom secret de Ré, je pourrais me rendre bien plus puissante encore que le patriarche tous les jours assis sur son trône des deux horizons ! Il se fait adorer deux fois par jour, à son lever comme à son coucher, or sans moi que ferait-il ? Comment ferait-il la nuit, sans mes lumières ? » Un jour que le papa passait en grande pompe la bouche grand ouverte, il laissa couler sur le sol un filin de salive. Isis vite recueillit la terre mouillée du crachas paternel dans ses mains, la pétrit pour façonner avec cette pâte un serpent en forme de fer de lance ; elle posa délicatement la créature, immobile mais vivante, au beau milieu du chemin par où le grand Dieu était déjà passé et par où il devrait repasser pour aller se coucher dans son autre royaume.

Voici donc le Saint-Père de retour, accompagné de tous ses fidèles abrutis qui pètent & répètent « Amen », chantant des louanges au phara-héron, ô dieu-soleil incapable de voir où tu poses les pieds tellement ta tête est dans les nuages ! Blessé au pied (on ne dit pas lequel) par le serpent d’Isis, le dieu glorieux poussa un cri si fort qu’il ébranla jusqu'au ciel. Sa suite s'inquiéta, tous lui demandèrent ce qu’il avait. Hurlant de douleur, Ré ne pouvait Répondre ; ses mains tremblaient et ses mâchoires claquaient. Dans ses veines le venin brûlant commençait à inonder son sang exactement comme le Nil en crue (comparaison garantie d’époque).

Quand le dieu finit par retrouver ses esprits, il lui fallut bien reconnaître toute l’étendue de son ignorance. Le Très-Haut n'avait pas vu venir la Chose cachée tout bas sous ses pieds ni sa cause, la figurine faite des mains de sa propre fille ; il n’avait été sensible qu’à ses effets, un mal inconnu, qui le faisait souffrir bien plus qu’il n'avait jamais souffert. « Comment cela a-t-il pu m’arriver, à moi qui voit tout et sans qui rien ne verrait le jour ? J'étais venu voir mon œuvre, quand quelque chose m’a piqué, mais quoi ? du feu ? de l'eau ? Mon cœur est en feu, ma chair frissonne, tous mes membres tremblent. »

On convoqua alors tous ses enfants pour trouver un remède à la fièvre du Souverain. Isis vint elle aussi, avec sa bouche ensorcelante, qui peut même faire parler un mort. Eh bien, qu’était-il arrivé au Saint-Père ? Un serpent avait osé le mordre, une simple créature avait osé lever la tête contre son Seigneur ? « Père, laissez-moi faire : avec mon carquois rempli de formules secrètes, je vais vous ôter ce serpent de la vue ! Mais pour cela il me faut connaître votre nom, j’entends votre vrai nom, père ! Pas les différents surnoms que vos innombrables adorateurs vous ont donnés ici ou là sur cette terre si diverse. Non, je veux l’Unique, celui qu’il ne faut pas proférer en vain… »
Toutes les réponses du père sont à la fois vraies et fausses. Elles sont vraies pour autant qu'il est bien tout ce qu'il dit être : la clarté du matin juste éclos et la douceur du soir sur les îles, le démon de midi et la gloire du monde, Khépri le matin, Ré à midi, Atoum le soir ; mais Isis ne se laisse pas leurrer : « Tu ne m'as pas toujours dit ton vrai nom. Cesse de mentir, tu n’es plus un enfant. Dis-le, et le poison s'en ira, car seul celui dont le nom sera révélé pourra vivre à jamais » Le père n'a pas le choix. Le poison continue ses sombres desseins en s’enfonçant toujours plus profond, plus brûlant que la flamme de la fournaise. Sous la torture il finit par reconnaître ne pas connaître ce nom qui s’est caché si profond qu’il ne le voit pas. Il demande à Isis de porter son oreille contre son ventre, lequel porte son nom comme la mère son enfant. Isis vole plus que le nom du Père, elle dérobe la paternité du Nom au père. Et elle le fait en concevant une ruse, une invention invisible qui pourtant blesse à mort le génie du jour…


Le mot « Egypte », d’après Hérodote, signifie « la lumière aveuglante ».

Copuler par un homme dans la nécropole



"Copuler par un homme dans la nécropole.
Mes yeux sont ceux du lion, mon phallus est celui de Bebon. Je suis le Coupé. La semence est dans ma bouche. Ma tête est vers le ciel, ma tête est vers la terre. Quand j'ensemence, Celui-ci et Celui-là ensemencent. Quant à tout homme qui saura cette formule, il copulera toute la nuit. La femme aura du plaisir sous lui chaque fois qu'il copulera, toute la nuit.
Formule à prononcer sur une perle d'améthyste, sous le bras droit."

Rituel d'exorcisme antichrétien.


Le texte est à dire sur une figurine d'ennemi de cire ou d'argile. On utilise aussi un papyrus vierge sur lequel on écrit son nom et celui des siens avec de l'encre fraîche. Ses membres (sa bouche d'abord) doivent être scellés d'un sceau portant la marque de l'ennemi. Le texte se termine par une formule, très courante dans le corpus médical, garantissant l'efficacité du rituel comme s'il s'agissait d'une prescription médicale. La figurine devra alors être enterrée dans un "lieu d'exécution".

D'après Magie et Magiciens dans l'Egypte ancienne d'Yvan Koenig (Pygmalion, 1994)

Thursday, May 14, 2009

têtes volantes


"Les plus étonnantes performances des sorciers concernent leur propre dissociation. C'est ainsi que la tête peut se rendre indépendante du corps pendant le sommeil et visiter qui elle désire sans que son propriétaire en ait conscience à son réveil. Son vol à travers l'espace fait un bruit caractéristique ; la tête de l'homme progresse par petits bonds successifs en produisant un claquement nommé par onomatopée tac-tac, celle de la femme se sert de ses cheveux en guise d'ailes et vole de la sorte en sifflant."

"Malheur à qui se trouve sur le passage de ces singuliers oiseaux nocturnes! Une série de légendes extravagantes sont nées de cette superstition: stupeur du mari qui s'aperçoit une nuit que sa femme n'a plus de tête, fixation de la tête vagabonde sur l'épaule du mari assez sot pour l'avoir empêchée de regagner le corps de sa femme, etc.

"En définitive, la personnalité de l'Indien est très fragile et l'on comprend qu'elle se laisse aisément dominer par des chefs, des prêtres ou des sorciers."

Louis Baudin, Les Incas, 1964, p.116 (fin du chapitre sur la magie,suivie de 3 paragraphes sur la confession, "institution qui a surpris les Espagnols" et a grandement "facilité l'implantation du catholicisme" impérialiste comme l'inca).

Monday, May 11, 2009

Toth-M


"oeil rouge au milieu du front, écailles vertes autour des épaules, taille d'un taureau de 2 ans, queue tordue comme une vis de fer, gueule fendue, défenses de sanglier": tel se montre le Dragon du Barzaz Breiz
(voir "Le légendaire breton. Les lieux", texte de Jean Balcou, photographies--en noir-et-blanc, remarquables--de Jean Hervoche chez Christian Pirot éditeur, 2002. )
Dragon nomme aussi le génie protecteur (du LM). On en peut voir ci-dessus un totem exemplaire tel qu'érigé sur une place d'un village au bord de l'Ama-zone.

Sunday, May 3, 2009

Le véritable empire de l'illusion


MFM, "L'écritoire (matériel sur tabula rasa)" 25 juillet 2007
Pour relancer ce blogocentrique sur de nouvelles bases, plus fermement assises, j'ai trouvé ce matin, à l'heure de la messe, un passage fort poétique de la Cripure:

"C'est le pays de la vérité (mot séduisant) entouré d'un océan vaste et tumultueux, véritable empire de l'illusion, où maints brouillards épais, des bancs de glace sans résistance et sur le point de fondre offrent l'aspect trompeur de terres nouvelles, attirent sans cesse par de vaines espérances le navigateur qui rêve de découvertes et l'engagent dans des aventures auxquelles il ne sait jamais se refuser et que, cependant, il ne peut jamais mener à fin."

(Emmanuel Kant, "Du principe de la distinction de tous les objets en général en phénomènes et noumènes".)
Et, pour bien faire, doubler cette citation d'une autre du même philosophe des "Lumières":
"On posait à un philosophe cette question: Combien pèse la fumée? Il répondit Retranchez du poids du bois brûlé le poids de la cendre qui reste, vous avez le poids de la fumée."
C'est-à-dire le poids de la pensée. Penser, c'est fumer. On brûle le bois, l'hylè comme disaient les Grecs pour ce que nous appelons "matière", il reste les cendres, soit les écrits.