Wednesday, October 26, 2011

mes ja mes ne morra

Dieux mourut une fois / mes ja mes ne morra

Ces vers de Jean de Meung, je les donne en ancien français et je les ai déjà traduits (déjà d’avance) dans ma propre langue. Un compatriote me ferait-il savoir qu’au fond c’est bien la même langue, juste l’orthographe différente, je lui répliquerais aussitôt que la graphie change tout. Par exemple, le x mis à « Dieu » signe le pluriel, or le verbe « mourut » est au singulier : faute d’accord ? Et que dire de l’entame du second vers : « mes ja mes » ? Si je traduisais, je prendrais comme acquis le sens de « mais jamais » (but never) mais… jamais je n’aurais découvert le « mais » dans « jamais ». Maintenant je vous lis l’entrée JAMAIS dans mon dictionnaire d’étymologie : « JAMAIS. Composé de l’adverbe ja (qui représente le latin jam, « déjà ») et de mais = « plus » (latin magis), et combiné avec ne pour servir de négation par rapport au temps. En ancien français, ne… ja et ne… jamais ne s’emploient que par rapport à l’avenir, tandis que pour le passé on se sert de ne… onques (du latin unquam). » Autrement dit, Dieu n’est pas mort, au présent, il mourut bien une fois, mais c’est fini, mais jamais plus il ne mourra ! Voilà toute la vérité du christianisme, rien moins qu’une relégation du mourir au passé… et l’on comprend pourquoi Heidegger devait s’y opposer de toutes ses forces, car le Dasein, lui, c’est tout à l’avenir qu’il se rapporte, et cela veut dire à sa mort qui n’est jamais (encore) venue, au contraire de Dieu à qui il manque donc tout Dasein, toute existence.

Alpha commence—l’alpha dit privatif. Au commencement n’était pas le Logos, car le commencement est déjà tout le Logos, sans passé, sans origine. Logos feu toujours vivant, jamais mort mais pas pour autant immortel, si mourir ne se dit qu’à l’avenir. Alpha est en tête, comme avec Aletheia, le nom de l'instance qui gouverne toute philosophie digne de ce nom. Aucune traduction, en aucune langue européenne et a fortiori extra-européenne, ne pourra « restituer » non pas le sens, mais l’existence de ce mot. Car c’est bien une affaire existentiale, la vérité. Il ne suffit même pas de remarquer, comme Heidegger a été le premier à le faire, la « présence » de lethe (traduit d’ordinaire comme « oubli ») « dans » la composition du mot, parce qu’autrement on risque de confondre A-letheia avec une simple réminiscence (anamnèse, selon la traduction de Platon). Il ne suffit pas de se rappeler tout pour être dans le vrai. On fait déjà un pas de plus en pensant l’oubli comme ne venant pas de nous, les hommes, qui avons si peu de mémoire, mais de la chose même. L’Aletheia serait alors la privation (steresis, voir Aristote) d’un oubli qui ne vient pas de nous : Pindare parle du « nuage de l’oubli privant de tout repère. C’est tout qui se trouve confondu & perdu dans ce nuage où l’oubli s’oublie lui-même au point qu’il est devenu impossible de le voir comme tel. Par exemple le brouillard enveloppant Ulysse échoué sur un rivage inconnu — jusqu’à temps que sa patronne Athéna lève ce brouillard, et que du coup lui apparaisse en toute clarté ce rivage comme le sien, celui d’Ithaque tant désirée. Il faut au moins un dieu pour « expliquer » comment ça se fait, soudain, que le brouillard (l’oubli) se lève, de lui-même.

Monday, October 24, 2011

Un peu profond ruisseau calomnié

Ces cadavres ambulants me font la leçon, de l’autre côté de l’océan, renforçant encore mon dégoût pour toute « culture » (européenne ou pas), mon horreur de plus en plus prononcée pour ce qu’ils appellent l’Histoire —allemande ou française, peu importe : le cauchemar des deux derniers siècles. C’est quand même là que la triste fiction du « peuple » a pris naissance. J’y pensais tout en marchant le long de la rivière Cumberland, un peu profond ruisseau calomnié la mort, alors que le ciel se couvrait : si toute l’Europe disparaissait du jour au lendemain, cela me ferait-il réellement quelque chose ? Je ne le souhaite pas, surtout si c’est pour se faire bouffer par les milliards de « petits » Chinois convertis à la pollution sans limites du « marché » — et j’aurais préféré qu’elle prît une autre voie, un autre cap, mais la chute du Mur n’a fait que précipiter sa dilution dans la morosité blafarde, le ressentiment dans toute son horreur : ses plus beaux jours sont derrière elle, sans l’ombre d’un doute. D’ailleurs, à quoi bon revisiter ces siècles de folie pour réciter une nouvelle fois le catéchisme confectionné par le maître-queue Hegel dans les cuisines du Château ? L’Histoire est une création surgie tout armée de la cuisse du philosophe« total », acharné à lui donner un sens — ce qui finit par me donner la chair de poule.

Qui croit encore aujourd’hui que le destin soit la politique ou même l’ « Esprit » ? Deux fléaux qu’il faudrait dresser en gibet sur la place publique. Reste à voir quelle place publique il y aurait encore. Mon différend avec les Européens vient de ce qu’ils tiennent encore à un Etat, sans jamais savoir faire la différence entre les hommes et les choses, les « qui » et les « quoi », sans parler évidemment des animaux. « Peuple », « nation », « race », « ethnie » : autant de constructions identitaires meurtrières équivalentes aux idéologies. Seul l’Ouvert a lieu d’être, et c’est ce qui est partout pourchassé, liquidé, ou muséifié, vitrifié.

extrait de "Autoportrait aux yeux fermés", 2007.

Friday, October 21, 2011

tout ce temps perdu...

Mardi 8 Décembre 2009. Tout ce temps (2 semaines) perdu ce carnet s’était égaré ou plutôt caché avec les autres en un tas pour faire place au nouveau bureau où il n’y a toujours pas de stores de sorte que je me sens tout nu sous la pluie glacée qui tombe depuis que je me suis levé il y a plus de 2 heures. Qu’ai-je fait entre-temps ? Bu 3 tasses de café noir, pas américain du tout, puis zappé les nouvelles sur MSNBC, tombé sur un article rafraîchissant sur les risques qu’il y a à boire de l’eau au robinet aux US. Pollution en degrés astrologiques bien au-dessus du seuil de tolérance déjà assez élevé : substances nullement illégales mais bien plus toxiques que les drogues les plus dures, arsenic, chlore, sulfates, et j’en passe des cancérigènes aux noms barbares. Seize (16) millions d’Américains meurent chaque année d’avoir bu de l’eau au robinet : voilà ce que personne ne veut avouer ! Au lieu de ça, on veut interdire les avortements ! Quand l’être humain, non content d’empoisonner son semblable et lui-même par la même occasion, infecte toute la planète Terre « par-dessus le marché ». Mais j’ai dans le cœur l’idée bien enracinée que dans le combat qui s’annonce bien plus féroce que celui des idéologies sanglantes que Nietzsche voyait se lever à l’aube du siècle (déjà) dernier, dans ce polemos qui décidera qui est libre ou esclave, mortel ou immortel, entre les hommes et les éléments-Terre, c’est elle qui l’emportera : non, il n’y aura ni Messie ni surhomme car tous deux entraînent à leur suite des hordes de sous-hommes, et il n’y aura peut-être plus d’homme du tout, ou alors il (ou île, ou aile) lui faudra se transformer en quelqu’un d’inimaginable, un(e) anima/l(e) enfin doué(e) d’intelligence avec la planète T’erre, partageant ses besoins, ses plaisirs et ses colères, ses souffrances inouïes et sa douceur infinie… Alors que je dérivais de l’eau à l’homme, un gros camion transportant une pelleteuse s’est garé en face de ma baraque, manquant emporter la boîte à lettres. En sont sortis quatre ouvriers à casque jaune qui ont entrepris de décharger tout le matériel, essentiellement de longs tuyaux de plastique crème qu’ils ont déposés sur le bas-côté. Ce sont les conduites de gaz naturel qui vont jusqu’à notre maison, mais pas plus loin, vu que nous sommes les seuls demandeurs dans la rue. Après avoir tout déchargé, ils mettent des plots orange autour, puis repartent en m’assurant qu’ils reviendront un autre jour.

Le même jour, je reçois un message de M. D. qui me fait réfléchir : « Pour votre premier Obama en effet, on (je) a peut-être laissé passer le kairos. Donc réfléchissez à celui que vous pourriez nous laisser en décembre, qu’on saisirait sur le champ. » Premier ? Il faudrait que je réfléchisse au premier « Obama » qui vient après le premier ? Mais ai-je jamais pu penser qu’il pût y en avoir un second ? Au bout d’un an à peine, il n’y a plus de bo que le chien d’Obama. Alors, il vaut peut-être mieux avoir manqué le kairos, s’il s’est dégonflé comme un soufflé avant même d’avoir pu être entamé. Et dire que demain l’animal va recevoir son Prix Nobel. De la Paix, pardon ! Requiescat in pace…En un an, tout son Capital, c’est-à-dire son Crédit, son crédit d’amour même si vous y tenez, s’est évaporé, dilapidé, envolé bien plus que les fortunes de Wall Street & autres filouteries. Oui, tout le monde en convient, ou devrait en convenir, les 99% au moins de la population « active » (à quoi ?), le bail-out a constitué la plus belle arnaque du troisième millénaire. Je pourrais résumer le coup fumant en deux mots : —Vous êtes ruinés ? Eh bien, payez pour renflouer les banques qui vous ont floués afin qu’elles puissent de nouveau vous prêter de quoi vous endetter encore plus, et pas juste une fois, non : à vie, ou plutôt jusqu’à votre mort !