Sunday, October 9, 2011

L'ennemie mortelle de D.

Mercredi 10 mars.

Seul le Vieux de la Montagne aura trouvé grâce à mes yeux. Parce que c’était déjà mon grand amour de jeunesse. Et la jeunesse du monde a parlé pour la première fois en grec. Les dieux grecs sont immortels parce qu’ils demeurent à jamais jeunes, comme la physis qui n’a été créée par personne, pas même les dieux ; ce n’était pourtant ni l’âge d’or ni celui de plomb où nous – vieilles branches – « vivons » dans la peur d’un lendemain pire que la veille. Et le paradoxe, c’est qu’au lieu de nous réfugier dans hier, nous fonçons tête baissée dans le vide même dont nous avons horreur ! Les Grecs n’auraient jamais pu se rendre coupables de l’invention d’un vieillard invisible mais voyant tout, paranoïaque & tyrannique ! Donc, malgré cet autre dieu que j’ai pu croire vénérer un temps (désigné par la simple lettre « D », donc, pour Derrida), il y a bien un abîme entre Athènes et Jérusalem (où je n’irai jamais) ; c’est bien pourquoi j’ai cherché une contrepartie à cet « impérialisme » grec (dans la pensée) du côté des Egyptiens ou des Péruviens. Car renverser le regard (faire le « pas en arrière » pour mieux sauter dans « le commencement à venir ») ne suffit pas ; il faut aussi s’écarter du « commencement » (grec), sinon on répétera inévitablement les mêmes erreurs de la « suite ». La « métaphysique de la présence » (à laquelle il n’est pas de contraire) doit se rapporter non à quelque absence mystérieuse (et de quoi donc, si la présence qualifie tout, même l’absence) mais à son envers sans présence (ni absence), à celui que j’appelle en conséquence « le Mort », soit le « gisant-dessous » que j’entends aussi « gît-sans » : sans logis, sans « lieu d’être ». Mais ce Mort s’il est divin (tel Osiris) ne saurait commander sur les vivants ; Horus, le fils plus ou moins bâtard puisque posthume, règne à défaut d’un Père absent, mais nullement « zoo-cieux » comme j’ai écrit hier dans un blog sur « l’ami du coin » qui se dit un Dépanneur en québécois. Donc pas de Tables dictées au sommet d’une montagne, pas de « commandements »…

Maintenant, que D. est mort, va-t-il siéger au Tribunal d’Osiris aux côtés de Toth ? Ou à sa place, même ? C’est quand même lui son « plus proche ». L’écriture, dieu sait s'il en a parlé, et écrit des tartines à son sujet ! Mais est-ce bien un sujet ? Quand on emploie le substantif en français courant, c’est pour nommer la manière d’écrire, à la main, naturellement. En ce sens « restreint », l’écriture de Derrida était assez détestable. Illisible serait encore une forme de compliment. J’emploie l’attribut (du sujet) à dessein, si c’est ainsi qu’il m’écrivait dans une lettre (à la main, donc) : « Vous savez que je déteste l’écriture ». Pour tout dire, il n’est pas impossible que, dans la guerre sans relâche qu’il a menée contre lui-même (dit-il dans son dernier « entretien »), l’écriture se soit montrée son ennemi mortel.

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