Wednesday, November 29, 2017

programme négatif


Il ne s’agit pas d’un énième livre sur X ou Y, juste du (seul) Livre dont il ne reste que des ruines ou des éclats. Des atteintes à la décence indécente des insensés censés savoir bien-penser. Tous les termes sont réversibles : le sensé est insensé de vouloir faire sens du non-sens, et l’insensé expose la vérité du sens : qu’il n’en a pas, qu’il ne peut pas en avoir, sinon il devrait son sens au non-sens. Alors : tous insensés ? Oui, mais pas de la même manière, et c’est elle (la main qui tient) qui fait pencher vers – cette inclinaison fait toute la différence, sans rien sauver d’une confusion au départ.  Parce qu’encore une fois les liens ne sont pas faits au départ, ils mettent du temps à se nouer, et ces nœuds se défont souvent aussi vite qu’ils se sont noués. Mais pour le principe admettre que les liaisons ne sont pas coupées par autre chose que la chute inattendue d’un arbre sur les fils. D’ailleurs la technologie du sans-fil progresse partout. Il faut quand même recharger les batteries. Poétique et technique s’excluent mutuellement même s’il y a eu une technique poétique (la métrique, par ex.). L’interdit de séjour a été réduit à néant par la destruction de tout séjour, poétique ou non, sur cette terre.

De la communauté, encore...

Nancy (p. 100 de La Communauté désœuvrée) définit le politique qui « ne dépend pas, ou pas simplement en tout cas, de ce qu’on appelle une « volonté politique ». Cela implique d’être déjà engagé dans la communauté, c’est-à-dire d’en faire, en quelque manière que ce soit, l’expérience en tant que communication : cela implique d’écrire. »
Réduction double et très contestable :
1. Qui n’est pas engagé dans la communauté ne serait pas capable d’écrire ? Ou est-ce qu’écrire ne suppose pas un certain dégagement (Rimbaud) ne serait-ce que dans le rapport au travail, au quotidien, etc. justement pour en montrer toute l’inquiétante familiarité (ou étrangeté), le social n’ayant rien de naturel ?
2. « Faire l’expérience » de cette communauté (donnée comme déjà là et non spécifiée culturellement, ce n’était pas encore requis), est-ce bien juste écrire – mais quoi donc ? Un rapport sociologique ou « La Communauté désœuvrée » - est-ce une œuvre, au fait ?
Un peu plus loin : on écrit toujours à… NON, pas toujours. Ce qui distingue une correspondance privée et une « lettre ouverte ». Et dans tout cela, Nancy ne décrit-il pas une communauté du style Facebook ? (Qui reflète constamment son désœuvrement.) 

Adresser sa prière à un mur

Enfant, il fallait faire sa prière avant de se coucher. Je n’ai jamais su pourquoi. Allais-je être emporté dans la nuit ? Mais j’avais déjà observé l’inefficacité complète des prières pendant la journée. J’avais beau répéter : « Je t’en prie ! », ça ne changeait rien au refus opposé par l’autre partie. Je n’allais tout de même pas me traîner par terre ! Au reste, même à l’église, on ne s’agenouillait que sur de confortables « prie-Dieu » et je note que le pluriel de ce mot reste invariable, excluant donc toute possibilités de prier plusieurs dieux ; or un seul dieu, je trouvais ça bien ennuyeux; au surplus dangereux. Il faut faire jouer la concurrence, non ? C’est longtemps après que j’ai compris que l’impulsion qui nous pousse à prier vient au moment où l’on n’a plus personne à qui s’adresser. C’est comme un acte désespéré et avouant son désespoir, peut-être y trouvant une suprême consolation.

   
DK B5, M86. Fragmente Griechischer Theosophien, 68.


καθαίρονται δ’ ἂλλως αἳματι μιαινόμενοι, ὁκοῖον εἲ τις εἰς πηλὸν ἐμβας πηλῶι ἀπονίζοιτο μαίνεσθαι δ’ ἂν δοκέοι εἲ τις μιν ἀνθρώπων ἐπιφράσαιτο οὓτω ποιέοντα. καὶ τοῖς ἀγάλμασι δὲ τουτέοισιν εὒχονται, ὁκοῖον εἲ τις <τοῖς> δόμοισι λεσχηνεύοιτο, οὒ τι <γινώσκων θεοὺς οὐδ’ ἣρωας οἳτινες εἰσι>

« Ils se purifient en vain en se souillant de sang, comme  si quelqu’un ayant marché dans la boue avec de la boue se nettoyait ; il paraîtrait délirer si un homme le remarquait agir ainsi ; ils adressent des prières à de telles figurines, comme si quelqu’un adressait la parole à des maisons, sans [savoir qui sont les dieux et les héros]»