On n’a jamais fait attention au contexte
dans lequel naît l’ego cogito. Trois facteurs sont pourtant présentés par Descartes
lui-même :
Premièrement, l’ennui (le manque de conversation, particulièrement) résultant de
la paix forcée car Descartes est un homme d'armes, il fait la guerre comme un gentilhomme,
c'est-à-dire pour parcourir et pratiquer commodément le monde dans sa diversité
(et distraction).
Deuxièmement, la solitude : Descartes étant un homme du monde ayant envoyé
promener tous les livres qui lui semblent tous entachés de superstitions médiévales,
scolastiques et absconses, entend arriver à la vérité tout seul ; il s’isole
donc dans un poêle (à rapprocher de la cuisine-foyer d’Héraclite) parce que
célibataire en hiver grelotte deux fois plus et que la pensée exige des constitutions
fortes alors que son corps se sent frileux et douillet — ce qu’ignorait la
reine Christine qui l’acheva en le
faisant sortir de sa chambre par moins 20, à 4 heures du matin, un jour de
février. Fin du noble Descartes, qui refusa jusqu’au bout l’aide des
médecins-charlatans ou vautours, et dont le dernier mot recueilli ou inventé
fut : « ça, mon âme, il faut partir ». Il faut bien.
Troisièmement, la méditation à partir de rien : c’est là qu’il découvre la différence :
la pensée n’a pas d’étendue spatiale ; conclusion, un peu précipitée, tout
le reste (le matériel) n’est que de l’étendue ; donc le penser se situe du
côté du temps et tout le reste dans l’espace, mais cette schizophrénie (appelée
en philo « dualisme ») mène à la dé-corporation : ce qui arrive
partout quand le corps est réduit à une machine. Et comme l’âme ne fait plus
partie du vocabulaire « scientifique » acceptable (du dogme), il ne
reste plus que des machines. A tuer, à décerveler, embrigader, siphonner, tout
sauf penser : exit donc ego cogito – plus d’ego, rien que des inégaux ;
plus de cogito, rien que des couillons.