Tuesday, January 24, 2017

pensées sur pensées


Si être et penser « sont » le Même, alors combien peu d’hommes existent. Et pourtant des milliards. Pensent-ils tous ?
Etranges pensées. Elles ne m’ont pas réveillé, c’est le silence qui a tinté étrangement. Comme si ces pensées étaient venues dans le sommeil même, qu’on dit pourtant sans pensée.
Si nous dormons toute la vie durant, y compris en étant éveillés.
Mais il arrive de penser : penser arrive. Arrive où ? Là même. C’est ce qui m’arrive, et je ne parviens pas encore à le penser. Pourtant, le disant, disant que cela arrive, je ne sais pas d’où cela vient, et encore moins où cela va.
Il n’y aurait pas de différence entre dormir et veiller, penser et non-penser ? Pas de différence autre que cette venue à même de l’ « à » (à penser, à dire).
Aussi longtemps que l’on croit avoir à soi pensée, parole, etc., on dort. Qui dort ne sait pas qu’il dort : par là même rien ne peut lui arriver.

Friday, January 20, 2017

quelque chose

J’ai ouvert le premier livre venu de Derrida, Sauf le Nom, à la page 101 où je lis une citation de Maître Eckhart qu’il donne d’abord dans l’idiome original (« c’est ici à l’idiome allemand que nous devons avoir recours »), puis dans la traduction française : Dass etwas muss man lassen ; « le quelque chose il faut le laisser ». En tout cas, il n’est pas question du nom (qui sortirait sauf de cette néantisation totale), encore moins d’une nécessité de garder ce nom secret (« Sauf son nom – qu’il faut taire là où il se rend lui-même pour y arriver, à son propre effacement. ») Eckhart le précise au troisième vers : Gott ist nicht dies und dass / drumb lass dass Etwas gar. Laisser tout quelque-chose, voilà la condition de possibilité de l’expérience du dieu (qui n’est donc pas un quelque-chose), c’est tout ce que se limitent à dire ces vers et c’est déjà bien assez.  Il est difficile d’en conclure que ce quelque-chose relève du Nom, un nom étant fait pour nommer un quelque-chose. Le nom « dieu », qu’il soit commun ou propre, ne fait que signifier l’impossibilité de signifier quelque-chose avec. Eckhart a plutôt en vue un être-sans – sans nom, autre que l’index d’un laisser là. Le plus difficile est bien de laisser là aussi Dieu – pour le laisser jouir de lui-même ; le servir c’est s’en servir aussi. A ce moment, Derrida laisse là Eckhart, Dieu n’étant que l’un des noms du tout-autre. Comment ne voit-il pas que dire « autre » (et même « tout autre ») revient à dire encore quelque chose - plutôt que rien ?


Derrida a bien entendu la proximité du désert et du désir. Mais c’est pour critiquer le langage de l’apophase, qui revient à prêcher dans le désert. Or il semble qu’on ne prêche que dans et pour la foule. Le désert est une chose trop sérieuse pour qu’un esprit sain puisse songer un instant à y prêcher. Il est bien plus important de le traverser sans y rester. Tout en résistant à la tentation de laisser là sa tente ou sa caverne pour aller prêcher à la foule comme fit catastrophiquement Zarathoustra. Les foules sont toutes mortelles. Bien plus qu’aucun désert. Surtout si par désert s’entend le desserré. J’aurais bien vécu au temps des moines errants à la quête du Néant Parfait, par des routes poussiéreuses, pieds-nus et heureux d’être ainsi. Le seul obstacle – plus gros qu’une montagne à déplacer –, c’est que Dieu ne m’a jamais rien dit. Rien, même pas l’absence de tout quelque-chose, qui est elle-même toujours une « grande chose », pour citer encore Eckhart.