Fatigué comme pas un mort ne l’a été.
Fatigué de penser que tout « ça » s’accumule, s’empile comme les
blocs de pierre d’une pyramide, ou ces constructions de villes imaginaires que
l’enfant faisait à ses heures perdues (elles l’étaient autant que possible, et
toute la sainte journée eût été son plus cher désir) avec des cubes et des livres pour figurer les gratte-ciel
qu’il aura eu plus de plaisir à détruire que les couillons du 11 septembre car
il n’avait jamais pris un avion de sa vie. A l’époque on prenait le bateau même
pour faire le tour du monde. Le bateau vole mieux sur l’eau. Et l’air, c’est
réservé aux dieux. L'homme a inventé une machine volante sans penser que la
machine allait voler de ses propres « ailes » et transformer
l’existence paisible des « esprits animaux célestes » en une
explosion de folie des grandeurs car au fond le monothéisme, c’est la
divinisation de la Terreur : si Dieu est au ciel, on peut facilement se
passer de la Terre ; et même l’anéantir pour chanter comme un ange :
« plus près de Toi, Seigneur »… La terre ou les hommes ? Qui
viennent d’ailleurs ? Du néant peut-être ? Pas impossible. C’est
pourquoi il faut s’accrocher à la barque du vieux père solaire malgré
tout. La clarté seule ne suffit pas à vaincre le mal. Oui, c’est de morale que
je vous parle ! De morale métaphysique dans le plus classique sens :
moi aussi je tiens à parler au nom du bien. De quelle autre instance
pourrais-je me revendiquer ? Mais ce mot n’est rien d’autre qu’une insigne
décollable à volonté. Juste que la Chose n’aime pas trop s’exposer au premier
courant d’air venu. –Mais je croyais qu’écrire, c’était se réfugier à l’abri du
« vent de la chose » ? –Quelle chose ? La pensée ?
C’est ça la Chose ? La chose-même même ? –J’entends le chien
soupirer. Il est las de m’entendre tourner et retourner sept fois dans ma
bouche les mêmes pensées comme on agite des dés dans un gobelet. Et chaque fois
qu’on les jette, sort un numéro pas pareil ou alors le même à l’envers. En
réalité, comme il n’y a pas d’envers au même qui reste toujours l’endroit, il
n’y a absolument rien dont on puisse parler pour ce qui reste hors discours. Je corrige Wittgenstein qui en resté à l’équivalence logique langage =
discours, de sorte que le hors-langage en reste tout mystifié en un silence
monacal ou maniaque. Il s’est quand même planté dans les grandes largeurs car
c’est le dehors qui pénètre le langage jusqu’à le percer à jour et ainsi rendre
possible le discours (à l’ordre) du jour, ces interminables phrases où tout un
chacun se congratule et se félicite d’être accordé aux goûts du jour.
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