Aujourd’hui (samedi 15 octobre 2011) :
A la question qu’on pose inévitablement à
tous les enfants : Que veux-tu faire plus tard, dans la
vie ?, comme s’ils n’y étaient donc jamais entrés, dans la vie, la vraie vie où faire s’entend d’embrasser
une profession comme de professer ou de confesser son « inhabileté
fatale », j’ai toujours réussi à tromper mon monde. « Je ne suis pas
voyant » était ma manière régulière de désarçonner l’interrogateur. J’avais déjà en horreur les questionnaires ou interrogatoires,
tous procédés policiers – toute enquête étant toujours plus ou moins criminelle. A ce jeu des
questions-réponses, je savais que je serais toujours perdant : a) si je
réponds comme je l’entends, personne ne va m’entendre ; b) si je
réponds à côté, ou en adoptant une position que je sais fausse, je serai vite
tenu pour un imposteur ; c) si je
ne réponds pas, on va me lyncher.
En tout cas, je n’ai jamais donné comme réponse
« écrire » car je vois trop bien que c’est le contraire de faire
quelque chose – de bon, d’utile ou même d’agréable. Pourtant c’est à peu près la seule chose que je sache faire, en même temps que cette chose a bouleversé,
chambardé, affolé toute question sur ce qu’il y aurait à faire, et même sur ce
que c’était que faire, ou ne pas faire : peut-être rien du tout ? Ou tout du rien?
Maintenant que tout le monde se sent
presque obligé de poster ou plutôt de postillonner ses moindres états d’âme
ou plutôt d’inanité, c’est de cette obligation d’écrire (« nulla dies sine linea ») que je me
sais absolument délivré, donc libre de faire autre chose. Ecrire, ce serait d’abord faire autre chose – qu’écrire,
simplement, sans plus. En tout cas, faire autre chose que communiquer. Ce serait plutôt niquer toute communauté donnée comme évidente, déjà
là, avant le faire qui est toujours un faire-avec,
c’est-à-dire aussi faire sans rien avoir en
commun, rien qu’une langue, et encore…à peine en est-ce une.
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