Thursday, April 9, 2015

L'expérience ultime



L'expérience ultime serait celle d'un pur Dasein : le soleil du solipsisme existential confinant à l'autisme pur & simple reste seul à briller, à la différence près que tout monde ou corrélat s'étant effondrés, demeure pur désert. Mais pur ça n’a pas le sens. Et alors ? Est-ce une objection si c'est bien tout ce qu'il y a ? Il faut bien l'affirmer : ce qui se passe se passe même de sens. S'il y en avait un déjà prêt avant de se passer (et de se transmettre), il ne se passerait rien. De même, il n’y a jamais vraiment eu de débat sur la réalité du monde extérieur (personne n’en a jamais douté un instant), parce que là n'est pas la question ; elle porte plutôt sur le sens de l'extériorité. En posant l’existant comme pur dehors, Heidegger raturait définitivement toute extériorité autre. Si le Dasein ne peut-être que hors de soi, c'est-à-dire auprès du monde extérieur dont il se soucie, que pourrait-il bien y avoir hors de lui qui lui soit adressé, à prendre et apprendre en propre ? Incapable de répondre, mon Dasein se « trouve » de nouveau perdu entre deux dehors différents mais toujours sans intérieur ; je ne dis pas sans personne intérieure, car il y a bien quelqu’un, ne serait-ce que celui ou celle qui trace les lettres « présentes », alors que, « dehors », la lumière commence à tomber sur les oiseaux, le train, etc. Mais ce quelqu'un qui semble indéniablement ou peut-être juste diablement être là, il n'a pas de chez soi, nulle part où aller ni habiter, nulle part d'autre que chez moi, ce qui est bien embarrassant parce que je ne suis pas bien sûr de savoir où c’est, chez moi. Au contraire des choses, qui sont ici ou ailleurs, quelqu'un, celui ou celle qu’il faut présupposer habiter , n’est ni d’ici ni d'ailleurs, et ce n'est pas rassurant du tout. C'est vous, c’est moi, et ce n'est ni vous ni moi. Remplacez-vous ou moi par n'importe quel autre nom ou pronom, pourvu que la structure se répète à l'identique : la division qui sépare le même du même, et qui fait que le même, c’est le même en n’étant jamais identique à soi. La formule de l’identité de ce quelqu’un qui habite à la place de soi (qui n’en a pas à soi) donne aussi celle de l’affolement de tout sujet : pour être égal à soi, il lui faut être infiniment inégal.