L'expérience ultime serait celle d'un pur Dasein : le soleil du solipsisme existential confinant à
l'autisme pur & simple reste seul à briller, à la différence près que tout
monde ou corrélat s'étant effondrés, demeure pur désert. Mais pur ça n’a pas le
sens. Et alors ? Est-ce une objection si c'est bien tout ce qu'il y a ? Il faut
bien l'affirmer : ce qui se passe se
passe même de sens. S'il y en avait un déjà prêt avant de se passer (et de se
transmettre), il ne se passerait rien. De même, il n’y a jamais vraiment eu de
débat sur la réalité du monde extérieur (personne n’en a jamais douté un
instant), parce que là n'est pas la question ; elle porte plutôt sur le
sens de l'extériorité. En posant l’existant comme pur dehors, Heidegger
raturait définitivement toute extériorité autre.
Si le Dasein ne peut-être que hors de soi, c'est-à-dire auprès du monde
extérieur dont il se soucie, que pourrait-il bien y avoir hors de lui qui lui
soit adressé, à prendre et apprendre en
propre ? Incapable de répondre, mon Dasein se « trouve » de
nouveau perdu entre deux dehors différents mais toujours sans intérieur ; je ne
dis pas sans personne intérieure, car il y a bien quelqu’un, ne serait-ce que
celui ou celle qui trace les lettres « présentes », alors que,
« dehors », la lumière commence à tomber sur les oiseaux, le train,
etc. Mais ce quelqu'un qui semble indéniablement ou peut-être juste diablement
être là, il n'a pas de chez soi, nulle part où aller ni habiter, nulle part
d'autre que chez moi, ce qui est bien embarrassant parce que je ne suis pas
bien sûr de savoir où c’est, chez moi. Au contraire des choses, qui sont ici ou
ailleurs, quelqu'un, celui ou celle qu’il faut présupposer habiter là, n’est ni d’ici ni d'ailleurs, et ce
n'est pas rassurant du tout. C'est vous, c’est moi, et ce n'est ni vous ni moi.
Remplacez-vous ou moi par n'importe quel autre nom ou pronom, pourvu que la
structure se répète à l'identique : la division qui sépare le même du
même, et qui fait que le même, c’est le même en n’étant jamais identique à soi.
La formule de l’identité de ce quelqu’un qui habite à la place de soi (qui n’en
a pas à soi) donne aussi celle de l’affolement de tout sujet : pour être
égal à soi, il lui faut être infiniment inégal.
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