La vérité prive de tout. Tragédie de l’existence à découvert : elle
est en effet mortelle, comme disait Nietzsche, mais tragique serait encore peu
dire. Il se peut même que le tragique ait été pour les Grecs le seul moyen de
tenir la vérité à (bonne) distance. Après tout, le comique lui aussi pourrait
revendiquer des titres sérieux à en donner une « idée ». Mais
qu’est-ce que le sérieux ? Une invention de l’économie protestante…
Au fond, le philosophe est naturellement athée parce qu’il n’a même pas
besoin d’un dieu. Tout marche aussi bien, ou aussi mal, sans. Avec des arguments
dans les deux sens : un dieu serait bien utile pour rejeter la faute
(« faute de tout ») sur lui et lui seul, comme s’il y avait au moins
là une instance responsable (dieu seul sait !) ; et, du coup, le
philosophe congédie toutes les « histoires », à commencer par
celles des dieux ou héros pris dans la même confusion (mêlée homérique) :
il n’en croit pas un mot ou même — la vérité, c’est que la vérité n’est même
pas nue. Désolation : elle se dérobe au moment et au lieu où l’on croit la
toucher. Comme si la main passait à travers une toile invisible qui laisse un
curieux frisson aux doigts.