Sunday, February 12, 2017

La vérité

La vérité prive de tout. Tragédie de l’existence à découvert : elle est en effet mortelle, comme disait Nietzsche, mais tragique serait encore peu dire. Il se peut même que le tragique ait été pour les Grecs le seul moyen de tenir la vérité à (bonne) distance. Après tout, le comique lui aussi pourrait revendiquer des titres sérieux à en donner une « idée ». Mais qu’est-ce que le sérieux ? Une invention de l’économie protestante…


Au fond, le philosophe est naturellement athée parce qu’il n’a même pas besoin d’un dieu. Tout marche aussi bien, ou aussi mal, sans. Avec des arguments dans les deux sens : un dieu serait bien utile pour rejeter la faute (« faute de tout ») sur lui et lui seul, comme s’il y avait au moins là une instance responsable (dieu seul sait !) ; et, du coup, le philosophe congédie toutes les « histoires », à commencer par celles des dieux ou héros pris dans la même confusion (mêlée homérique) : il n’en croit pas un mot ou même — la vérité, c’est que la vérité n’est même pas nue. Désolation : elle se dérobe au moment et au lieu où l’on croit la toucher. Comme si la main passait à travers une toile invisible qui laisse un curieux frisson aux doigts.

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