Thursday, October 30, 2014
Monday, October 27, 2014
Wednesday, October 22, 2014
Friday, October 17, 2014
Thursday, October 16, 2014
Thursday, October 9, 2014
Dix ans après la mort de Derrida, le feu d'Héraclite vit toujours.
96 (DK
B27, M74.)
ἀνθρώπους μένει ἀποθανόντας ἃσσα οὐκ ἒλπονται οὐδὲ δοκέουσιν.
« Les
hommes, il leur reste, morts, des
choses qu’ils n’attendent ni ne s’imaginent. »
Le premier verbe signifie aussi bien "rester" que "attendre" (sens du second verbe: le grec ne connaissant pas la notion subjective d'espoir). Par conséquent, les hommes (terme presque toujours négatif, surtout au pluriel), les attend ce qu'ils ne peuvent par principe jamais attendre et a fortiori s'imaginer. Même si le fragment est cité par Clément d'Alexandrie comme un témoignage d'une vie après la mort (et d'un Jugement Dernier), toute interprétation religieuse (chrétienne d'abord, les Juifs ne croyant pas à un au-delà) est inepte. Les hommes une fois morts deviennent des simples "corps" ou cadavres, et c'est encore moins appétissant que les excréments, comme dit un autre fragment:
56 (DK B96,
M76.)
νέκυες κοπρίων ἐκβλητότεροι
« Les morts
[sont] plus abjects que les merdes. »
κοπρίων désigne le tas de fumier, pas loin de kopros, l’excrément, la merde (humaine),
le caca : dans ces conditions, n’honore-t-on pas des fumiers en guise de
héros « morts pour la patrie » ? Le culte rendu aux combattants
tués à la guerre, sur les champs de bataille d’Arès, n’est-ce pas une forme de
coprologie ? Si tous deux puent, seule la merde est naturelle,
alors que le cadavre ne l’est pas, du moins pas entièrement. Le cadavre ne
saurait se réduire à de la matière organique en décomposition; le terme grec
employé, « nekues », ne
saurait non plus se traduire sans violence par « cadavres »: la
NEKUIA de l’Odyssée n’est pas une visite à la morgue ! Achille n’est pas
un cadavre, autrement il ne saurait répondre
à Ulysse parce qu’il n’aurait pas de nom.
C’est pourquoi la plupart des tombes portent au moins le nom du mort inscrit
sur la dalle ou la plaque funéraire. Or Héraclite n’accepte plus la vision
homérique de l’Hadès. Donc « Il faut
écarter les cadavres plus encore que l’ordure », et dans ces cadavres
Héraclite a déjà rangé les glorieux ancêtres. Sa parole fait irruption comme la
foudre qui brise la continuité illusoire du temps comme succession (une
succion, plutôt). Mais en même temps qu’elle rejette les cadavres, cette même
parole accueille « la » mort comme l’éveil à la clarté de la
distinction pure. Le feu ne se
contente pas de consumer, il purifie. Cette purification n’a rien d’une
sacralisation, car il n’y a rien au monde qui ne soit pur sans être passé par ce feu — un feu un & commun qui s’échange contre toutes choses comme les
marchandises avec l’or et vice-versa.
Sunday, October 5, 2014
Sauf Un
Un est la folie des prêtresses qui s’en
vont leurs robes ouvertes sur leur sexe brûlant dans la nuit sacrée danser.
Car Dionysos et Hadès sont un et
le même. Ceci est un fragment apocryphe authentique.
L’un demeure à part – c’est pourquoi il ne
peut pas être Zeus ou "Dieu" (nom commun) : pas en vue, pas visible mais sauf : le
philo-sauf, c’est l’ami du sauf, et pas du sot tout court. L’enjeu n’est pas de
se conserver, ni nécessairement de sauver les phénomènes, comme dit
Aristote : pourquoi tenir aux apparences ou même aux manifestations ?
de rage ? Qu’y a-t-il de si urgent à « montrer » ? Est-ce
qu’à montrer on ne fait pas tout le contraire de garder sauf ? Du coup,
facile d’accuser le philosophe d’insensibilité. Ou d’indifférence. En fait, il
se soucie seulement de garder sauf l’un, pas même de le nommer, autrement
qu’avec ce « sauf » qui n’est pas un nom.
Sauf exister… Héraclite ne parle pas ce
langage (exit le latin) mais il pense la temporalité de l’existence selon une mesure d’une
extrémité à l’autre (l’extension maximale entre vie et mort), et non selon une
chronométrie ou chronologie. Sinon, la voix de la Sibylle ne porterait pas
jusqu’à un millénaire au moins. Et Héraclite ? Pensait-il que son
« Livre » allait porter encore plus loin, jusqu’à
« nous » ?
En to sofon: Il est insensé de
détacher l’Un du sophon : car c’est bien cela, le sauf le sachant. Il y a
bien la dimension du savoir et pas juste l’intégrité. C’est même le savoir qui
fait tout un. Ce n’est pas un savoir « au sujet de… », mais une façon
de s’y prendre avec tout, et d’abord pour que ça fasse un tout. Un rapport, si
toute idée de rapporter (des revenus ou des résultats) est écartée ; comme
ce n’est jamais tout à fait possible, mieux vaut parler de « tenir »
et de se tenir par rapport à… ce qui « habite » là mais ne tient pas
à se montrer (comme un simple habitant).
Conjuguer un-tout et un-qui-nique-tout car un-tout est tout autre que juste un ou même que tout, et donc il ne peut
être compris par rien puisque c’est lui qui comprend tout. Un livre de ce tout
(qui nique tout) ne sera jamais qu’une traduction, une traversée en solitaire
qui au milieu de tout reste séparé de tout, à part et pourtant là, au beau
Milieu de Nulle Part car où diable sinon crècherait-il ?
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