Déconstruction : Une
opération sans douleur, mais aussi sans grande valeur. La
« déconstruction » n’a jamais pris corps nulle part ; ou alors,
comme des parasites se greffent sur un hôte, qui devait à la vérité d'être déjà tout pourri : la Métaphysique a eu droit à une mort en douceur, au moins.
Sur un
vieux carnet rempli des notes prises à écouter Derrida parler du secret pendant
des heures et des heures, je suis tombé sur ces mots (les premiers du
séminaire) qui se donnaient comme un commentaire de l’appel (ou cri) de la
« conscience » (cette instance souveraine sans laquelle il n’est pas
de science digne de ce nom) tel qu’il fait irruption au début de la seconde
section d’Etre & Temps : « l’autre me regarde ». L’autre ?
Quel autre ? Et de quel droit peut-il donc me regarder ? Moi – après
tout c’est bien moi et moi seul que cela regarde – je n’aime pas du tout être
regardé, quand je dors, par exemple, ou quand je vais « là où le roi va
tout seul », et même quand je mange. L’autre est une « ruse de la raison », une
invention du même pour se tenir compagnie – nous devrions le reconnaître une
fois pour toutes, il n’y a que le même à pouvoir se transformer en une infinité
d’ « autres ». Ce qui veut aussi dire qu’il n’y a pas d’autre au
singulier, avec ou sans majuscule divine. Comme substantif,
« autre » ne devrait s’employer qu’au pluriel – sinon il occupe la
place de Dieu… ou du Jugement Dernier. La conscience n’appelle à aucun grand
Autre – elle ramène à soi, « comme »
la voix de l’ami [neutre] en soi. L’ami n’est jamais « l’autre »,
autrement tous les autres seraient nos amis. L’ami n’est même pas quelqu’un,
homme ou femme. Plus loin, Derrida développait la « structure du
secret » sous la forme d’un double « qui » et
« quoi » : a) ce que je ne partage pas ; b) ce qui me
partage. Cela, Héraclite l’appelle « démon », et ne saurait se traduire
par « l’autre ». « Autre » viendra toujours après – mais
pas après « moi » qui ne suis à mon tour qu’un autre au regard du
« démon » qui me partage sans que je puisse le partager (à volonté). Il
fait le partage – en « moi » - entre ce qui est propre (non
partageable) et ce qui est commun.
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