Thursday, January 17, 2019

From Brexit back to Grexit

Letter to a British old friend


Dear Tilly,

Sorry, I missed your birthday, I remembered it was around mid January but failed to check on Facebook, I'm too tired of so-called social media.

Well, we're the same age now, not bad at all. We made it. I'm still living, alone, though with two adorable kitten, in the Britton family big and empty house, but I managed to fix my fireplace and add one room and two high-tech electric heaters, During the school vacations, my elder daughter come and visit me with her two adorable kids. Since May 2018, she's a tenured Professor at Paris-X. Nanterre where I was an undergraduate student in philosophy from 1971 to 1975,  

But times have completely changed since May 68, or rather "time is out of joint" as said your national treasure, William Shakespeare.

In view of a Brexit with or rather without a deal, let me say this: it doesn't matter, I can travel anywhere thanks to my US passport. Anyway, I failed to renew my French one, which has always been of poor help in foreign countries. Politics is even worst in France than in the US or the UK, with their yellow jackets = not worth a yellow submarine. If you want my real opinion on the subject, I say: let it be, anyway Europe has become one big German business. They have the money and therefore the power. The Greeks should have left the E.U. since the No (
οχι) referendum in June 2015. I was there, in a tiny Aegean island and then in Athens too – a city I love more than any other in Europe, even Paris or London. – I was there watching the situation deteriorate, and the vote by the people rejected by this weak and loose guy named Tsinakis. Have you read what his Finance minister, Yannis Varoufakis, has written on the "crisis"? He’s a really smart and seducing guy, a bit too seducing with his leather jacket and motorbike, but truly a brilliant economist from Harvard. He has now moved to Berlin, trying to wake up European minds in radical theory. Unfortunately he’s from a soon to be extinct species, promised to become Geist or ghost, as communism was for capitalism according to Karl Marx Manifesto. 

I saw them, my beloved Greeks, not the German or French tourists, being unable to get any cash at any ATM. I wish they had the courage to exit the malaria Euro-zone, and cancel their extravagant Debt. Even the FMI had to recognize the absolute impossibility of paying back more than the interests, which are already too high. I wish Germany were less lucky when the U,S, erased their debts after their collapse in 1945, I wish Crete was not bombed in vain by the Nazis, I wish history in general were more grateful for the heroic people especially when they are poor. and helpless. At least the Greeks might have kept their pride. But no, humiliation and injustice seem to be their endless condition.

I had to leave this friendly and courageous people in a total mess from years of their careless and corrupt government, but primarily from false promises and true lies from the French and German banks, and these secret institutions as the Eurogroup with no transparency or “democracy”, a word and a reality that has appeared in Athens 2000 years ago. As with the origins of Western philosophy, a Greek word too, invented by Plato to mean friendship in place of unreachable wisdom.

But is there any place in Europe for a democracy, especially the One “to come” - à venir, to quote our last philosopher, Jacques Derrida, a "Jew" born in Northern Africa and chased from the Republic school by the "French" antisemitic government, l'Etat Français, an "icy monster"(according to Friedrich Nietzsche), born from amnesia and shame and resent for the Front Populaire and its paid vacations for the workers? Are they still real workers in this dis/connected and confused "world" ? Oh yes, I forget you have your Labor Party... well, I wish them good luck, they'll need it 'badly', as says Donald.



Tuesday, January 15, 2019

Lettre à une amie coréenne

Je vais m'occuper de ton escroc d'éditeur et çava faire "du bruit dans Landernau" comme on dit en français, soit beaucoup de bruit et pas rien que du bruit, crois-moi. 

(Landernau est une petite ville perdue dans le Finistère, département à l'extrême pointe Ouest de la Bretagne, dont le nom signifie "la fin des terres". C'est un peu la position idéale pour un pur Occidental comme moi. C'est aussi pour cela que j'aimais Seattle, San Francisco, et tout le Pérou. Mais j'ai décidé d'y retourner un jour pour franchir le Pacifique depuis l'Ouest, et non en allant vers l'Est, qui est l'erreur magistrale des Européens et maintenant de Trump qui s'est fourvoyé avec les Russes au point qu'il songe à quitter l'OTAN (ou NATO), au moment où sa compromission pendant la campagne de 2016 n'est plus à démontrer - la justice est à ses trousses, il n'y a plus de gouvernement fédéral, il en est encore à vouloir son mur inutile et ruineux pour empêcher qui de venir "envahir" son rêve américain pourri jusqu'à la moelle: les populations d'Amérique centrale encore plus dénuées que nos "réfugiés" même Syriens.  

(Le monde va sérieusement très-très mal, S.-G. Peut-être sommes-nous à la veille d'une troisième guerre mondiale, et nous continuons à nous occuper de livres comme si de rien n'était? Mais que faire d'autre: certainement pas bloquer les ronds-points comme ces idiots de gilets jaunes qui font beaucoup de bruit pour rien du tout, ou pour amener les extrêmes-salauds de droite ou de gauche, ou plutôt de Le Pen à Mélenchon à se croire vainqueurs, et du coup Macron à doubler le fliquage de toute la "société" en voie de dissociation générale. D'ailleurs, de gilet jaune (couleur douteuse), je n'en ai pas dans le coffre de ma Mercédès (automatique, bien sûr), alors que c'est obligatoire en France. Mais tout l'est, obligatoire et interdit, tout est réglementé, policé, surveillé, sécurisé, comme si la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen n'avait jamais été promulguée à la première Assemblée Nationale en 1789, au nom du peuple français pour l'émancipation universelle de tous les peuples du monde... Mais la naissance de la nation est-elle vraiment un cadeau pour l'humanité? Je fais partie des vieux trotskistes partisans de la Révolution dans tous les pays et pas juste en Russie comme le voulait le "père des peuples", le camarade Staline - mort en 1953, mon année de naissance.) 

Il se fait tard, je boucle cette longue parenthèse géographico-historico-politique et ouvertement asociale, et te souhaite bonne nuit, ne te laisse pas faire par ces cochons et dors du sommeil du Juste, comme doit le faire notre grand disparu Jacques (Derrida). Il en a de la chance, d'être ailleurs (et d'ailleurs).   

Saturday, December 1, 2018

Le dernier voyage d'Ulysse


Le dernier voyage d’Ulysse


Le seul moyen de racheter la faute d'écrire est d'anéantir ce qui est écrit. Mais cela ne peut être fait que par l'auteur; la destruction laissant l'essentiel intact, je puis, néanmoins, à l'affirmation lier si étroitement la négation que ma plume efface à mesure ce qu'elle avança. Elle opère, alors, en un sens, ce qu'opère généralement "le temps" -- qui, de ses édifices multipliés, ne laisse subsister que les traces de la mort. Je crois que le secret de la littérature est là, et qu'un livre n'est beau qu'habilement paré de l'indifférence des ruines.[i]


Homme infortuné, au nom à venir,
Plante ta rame en ce lieu désert
Où elle grimpera au ciel de ses rameaux verts.

Sur la plage d'où nul n'est revenu,
Jurant en vers et contre tout,
L’amer père de la mère fit serment de t'abandonner
Au mauvais œil.

Neige dehors, les pieds devant,
Tu dérivais emporté par les courants,
De récifs en havres, roulé par les vagues
Du barde aveugle.

Le temps de Noël sur terre, ton amante t'avait jeté bas
Des marches de l'histoire, relégué
En un dortoir sombre, puant les pieds.

Au revoir, son cashmere à même la poitrine nue,
Baiser sans le dire. Plus tard, tu glissais sur les traîneaux
d'Erzurum. Mesurant la vitesse du vent et des mosquées bleues.

Il n'y aurait rien eu d'autre,
Rien que cette pièce muette
Que chacun est contraint de répéter chaque jour
Pour se procurer un paquet de survie.

Images solitaires en déroute,
Elle son cashmere sur la poitrine nue,
Et, dessous, elle ne portait rien.

Rien que des vers, des sillons revenant
L'un sur l'autre.
Côte-des-Neiges juste pour voir les neiges.
Côte Sainte-Catherine, pour la ruine.
Taire toute mélodie, toute.

Lorsque le loquet s'est refermé, dans la chambre obscure,
Tu es resté immobile, cloué sur place :
Tu était déjà entré dans le délit
Mais pas encore au mitan du lit.

Sur le parvis de minuit, c'était elle, l'Apparue,
Jambes nues : un effet de pur rythme.
Tu l'as soulevée, portée à bout de bras,
A travers la place vide du Trocadéro.

Comment dire, les mots s'envolent
Autour de la flaque d’eau,
Fondant en larmes.

Ma monade, ma nomade.

Il n'y aurait plus pour le dire que le désir.

Marchant sur les crottes de mouton,
Le torrent roulant ses blocs limpides,
Tu fis la nuit éclater un ciel d'été.

Savoir quand serait folie.

Viens, dit-elle,
Et dix mille ans après tu bandais
Comme un pendu.

Déclouer le paradis pour en faire un enfer.
Tu tiens le système, la chanson:
La lyre brisée résonne contre les murs de pierre sèche.

Le temps se dépassant, et nul ne sachant ce qu'il y a
De l'autre côté. Mais s'il n'y avait pas d'autre rive?
Rien que la traversée?

Ainsi cela verse, barque et passeur,
Dans le noir d'absolu, le même
Verso montrant son autre versant
Sans endroit, rien que l'en-vers.

Vers morts engendrant vers vivants.[ii]

La vérité qui nous entoure avec ses anges pleurant.[iii]

Je t'appelle depuis le lointain
Où tous les visages s'effacent hormis le tien.

Il est beaucoup plus tard que jamais.

Langue morte pour réveiller les vivants.

Anneau, alliance fiançant au point du jour.

Ni lieu, ni temps ne conviennent au mal d'habiter sur cette seule Terre
Qui ne nous est dévolue ni n'a été inventée par personne.

Ulysse, prends ta rame une dernière fois,
Même si tu as perdu toute foi en toi.

.Montréal, hiver 1992.





[i] Georges Bataille, L'Abbé C. (Œuvres complètes, Gallimard, III. p.336).
[ii] Ezra Pound, Cantos XIV.
[iii] Arthur Rimbaud, Une Saison en enfer.

Friday, November 9, 2018

9 novembre

Lequel fêter? Celui de la chute du Kaiser en 1918 (seule responsable de l'armistice du 11, mensonge d'une "victoire" alliée - obtenue seulement grâce aux renforts US) ou celui de la chute du Mur de Berlin en 1989 (où, cette fois, les US n'y étaient pour rien, contrairement aux déclarations tapageuse de Ronald Reagan)? Dans tous les cas, c'est une date allemande - et donc européenne - avant tout patriotisme imbécile.

J'ai choisi de célébrer un 9 novembre privé, celui de l'an 2002.


9 novembre 2002


1.         Depuis trois minutes c’est le jour du treizième anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Un samedi. Avec le décalage horaire, ma réponse sera datée de la veille. Il faudrait faire des recherches pour savoir ce que je pouvais bien faire ce jour-là. Pas grand chose, autrement je n’aurai jamais été lire mon courrier sur mon ancienne adresse, que j’avais abandonnée depuis des années mais que je ne pouvais fermer parce que, m’avait-on expliqué en haut lieu, toutes sortes de vieux schnocks ne savaient et/ou ne voulaient pas se servir du nouveau serveur. Les protections de l’ancien serveur contre les virus étaient notoirement trop faibles. Preuve, cette lettre d’une lectrice un peu toquée, mais pas plus, somme toute, que l’auteur de cette phrase qu’elle cite : Il n’y avait vraiment rien à voir et je l’avais toujours su. Ou bien il fallait inventer un autre regard, un autre sens et une autre image.
J’avais donc écrit cela, et dix ans après la publication d’un livre qui avait passé presque complètement inaperçu, mes mots me revenaient, renvoyés par une jeune femme qui déclarait avoir le même âge, 27 ans, que le corps du poète suicidé le 3 novembre 1914, après la boucherie de Groddek. Mes mots me revenaient, déjà plus tout à fait les miens, déjà devenus les siens, « votre phrase pourrait être la mienne », elle écrit à cet auteur inconnu que ce qu’il dit, c’est ce qu’elle cherche à dire dans ses photographies, mais elle, n’écrit pas, elle photographie, écrit la lumière. Elle terminait ainsi : « Merci de m’avoir lu et j’espère à bientôt. » C’est sur ce merci que commençait ma réponse : « D’abord, et pour vous citer, merci de m’avoir lu (se faire lire est parfois un genre de terrorisme, c’est d’ailleurs pourquoi je préfère les lettres de lecteurs inconnus). »  J’omettais d’indiquer que le bout de phrase sur le terrorisme n’est pas de moi, mais cela découle déjà de sa structure grammaticale, avec un sujet à l’infinitif. Se faire lire, est-ce un attentat — à la pudeur, au quant à soi ? Est-ce que cela se fait, lire ? Et comment cela se fait-il avec Georg Trakl, puisque c’est son Tombeau qui l’avait incitée à écrire une longue lettre à l’auteur, pour elle un parfait inconnu, dont elle ignorait tout, le visage comme l’âge.

2.         Ecrire, s’écrire. Ce n’était pas un jeu, et ce n’était pas davantage autre chose qu’un jeu, mais sans règles, et sans but immédiat. Comme un enfant laissé tout seul joue avec n’importe quoi, même des objets imaginaires. Et n’est-il pas étrange de communiquer autour de quelqu’un qui a écrit qu’on ne peut absolument pas communiquer ? Trakl à l’âge de l’internet ! Elle voulait habiter quelque temps le pays du poète, l’Autriche. Vous ne comprenez pas mon désir d’aller là-bas. Comme vous, je sais qu’il n’y aura peut-être rien à voir. Imaginez-vous Verdun lors de la première guerre mondiale ? Maintenant des champs cultivés, quelques renards, des myriades d’insectes, de temps à autre passe un tracteur, des hameaux, des villes. Les hommes oublient si vite, malgré tous les mémoriaux.  Sa prison était en lui, écrivait-elle aussi. Son fardeau, ce corps trop lourd de chair et de mort à venir. Il était apatride, apatride de l’humanité. Trop différent. L’humanité peut-elle être considérée comme une patrie ? Fait-on forcément partie de l’humanité dès lors qu’on naît homme ou femme ? Questions laissées sans réponse. Aussi bien la donnent-elles par leur ton même : non, on ne saurait prendre l’humanité pour une patrie, ni d’ailleurs une fratrie ; non, on ne fait pas forcément partie de l’humanité du seul fait qu’on est né homme ou femme ou alors c’est forcément. C’est le mot qui lui avait déjà échappé avant, au moment où elle parle de sa vision de la vie très particulière — je n’ai pas une vision de la vie, c’est la mort qui est dans ma vision. Cette vision qu’elle partage donc avec celui qui disait qu’il est impossible de rien partager avec qui que ce soit, cette vision qu’elle n’a jamais pu rencontrer chez personne, sauf chez lui qui n’a pas de chez soi, n’appartient à aucune communauté, pas même à l’humanité dans son ensemble (purement abstrait). Ses poèmes parlent cependant assez de lui, forcément, avec force et comme ayant été forcés. Forcés par qui ? Rêve-t-elle de le pénétrer avec force et, en plus, comble de l’art, comme ayant été forcée ?  C’est une identification un peu idiote mais non idolâtre, écrit-elle aussi. Mais de qui avec qui ? Et qui est l’idiot ? Quand elle écrit qu’elle a aimé vous écouter parler de lui, ne vous semble-t-elle pas avoir eu des voix : comme la voix d’un ami très ancien qui m’aurait parlé d’un ami commun que nous adorions, et que nous avions perdu, écrit-elle. Tellement perdu que nous ne l’avions pas connu. De quel ami parle-t-elle ? Quel est cet ami commun ? Commun à qui, si personne ne semble le connaître ou même l’avoir connu ? Il ressemble par trop à l’ami très ancien qui parle de lui, l’ami commun, que nous adorions, première apparition de ce singulier pluriel, nous. En même temps, l’ami très ancien n’est pas l’ami perdu. Ce n’est pas le poète, dont elle parle avec comme la voix. L’ami inconnu très ancien, celui de toujours, pas moi, juste la voix, moins que rien.

3.         Je ne vous ai jamais vu en photo, c’est ce qu’elle écrit, elle, la photographe. Je ne m’imagine même pas un instant l’apparence que vous pouvez revêtir. Je n’y pense pas beaucoup moi non plus. Par contre je voulais la voir, elle. Pas juste ses photos, que j’avais pu voir sur son site. J’aime beaucoup m’y promener, lui écrivais-je, c’est un beau paysage. Pourtant, j’ai un rapport conflictuel avec la photo. Pourquoi alors lui demander une photo d’elle, comme honteusement, je n’ose pas vous demander mais je vous demande quand même, pardon, comme si c’était une grossièreté, une faute de goût, je veux vous voir, pas juste vous écrire. Vos lettres et vos écrits vous immatérialisent. Je ne m’imagine même pas un instant l’apparence que vous pouvez revêtir. On revêt des apparences comme on enfile chaque matin, sans trop y penser, nos habits posés au pied du lit. Comme si, par ailleurs, le sujet pouvait exister nu, dénué de toute apparence. Pourtant c’est bien ainsi qu’elle me voyait : pas en photo, mais noyé dans la brume, Il existe une brume tendue dans l’espace et le temps qui fait de vous une sorte d’esprit intangible. La brume qui noie ses propres photos, son paysage où l’humain disparaît, bu comme une tache par un buvard. Il n’y a pas un être humain dans sa vision de la vie qui est aussi celle de la mort. Personne, rien que des éléments du paysage, comme des rochers inévitables, des blocs trop lourds à transporter, qu’on n’a pas le temps ou la force d’arranger.