Hésiode s’en est peut-être
inspiré, lui qui fait de Chaos le point de départ absolu. Chaos et non
désordre : sinon, il faudrait supposer un ordre antérieur à Chaos. Les
Egyptiens l’ont nommé Nun, l’Océan
sans bords, les Eaux d’Origine. On pourrait dire le zéro avant l’Un, avant tout
compte et donc tout conte. Mais il faut observer que cette sorte de
« création » reste sans Créateur, ou alors avec plus d’un : par
exemple dans d’autres théologies, le dieu Ptah, le forgeron identifié par les Grecs
au boiteux Héphaïstos ; à Hermopolis, c’est Toth, le premier à savoir
écrire son nom. Dans tous les cas, à la différence de la Genèse biblique, après la création, loin de disparaître,
le chaos continue à menacer l’ordre des choses, qui restent toujours dans un
équilibre précaire. Le système d’Héliopolis, qui a eu un rôle hégémonique à
cause du pouvoir royal solaire, est structuré tardivement en un groupe
d’ennéades, soit neuf, soit trois au carré, trois étant le départ du
« plus d’un », deux n’étant jamais pluriel mais duel comme le couple
frère-sœur. L’histoire peut se rapporter ainsi : Atum indifférent à
l’histoire (car tout à sa pénistoire) se masse l’Turban, engendrant ainsi la
première paire du service divin, Shu (prononcez : Chou) et Tefnut, soit
l'air mâle et l'eau femelle. Après avoir détruit tout, Un devient deux. Il se
transforme en l'autre, sans cesser jamais d'être l'Un puisque, de son point de
vue absolu, l’Un est Tout, comme dira
Héraclite. Cette première paire d’as engendre à son tour une paire royale, Terre
(Geb) et Ciel (Nut) ; au contraire des Grecs (et de nous, donc), Terre est
un Masculin et Ciel un Féminin, Nut étant parfois représentée sous l’aspect
d’une truie qui dévore ses propres enfants (les étoiles) comme Chronos chez les
Grecs. Du couple géo-céleste, naissent les quatre cartes qui composent avec les
deux générations précédentes et l’Ancêtre à tam-tam le jeu complet des
Ennéades. D’une part, on a la paire droite Osiris-Isis, et, de l'autre,
l’impair gauche constitué du fou Seth (en hébreu Satan) et de son âme damnée
Nephtys. Osiris mis pour le Roi est le fils aîné, légitime donc, assassiné
lâchement dans un complot ourdi par son frère Seth qui découpe son corps en
quatorze morceaux qu’Isis la sainte sœur ira ramasser grâce au flair d’Anubis,
le fin limier lévrier patron des embaumeurs. Mais, même recousu, Osiris restera
mort : démembrés, ses abattis seront numérotés, catalogués et fichés comme
pièces à conviction dans le premier Procès de l’Histoire. Osiris ne revient
jamais au jour, il reste mort, et le demeure à jamais même s’il s’éveille à une
vie autre, que l’on ne peut comparer
qu’à celle du Livre.
Sources:MFM, LM (2006), chapitre 2; TOTH'M (2009), chapitre 3.