Les
philosophes sont-ils donc les seuls détenteurs du secret de la vérité :
qu’elle vienne de la liberté (de l’Etre) ? Ils voient comment toute chose
est disposée, ce qu’il faut qu’elle soit pour qu’elle fasse partie d’un tout.
Mais ils ne détiennent rien : la vérité ne peut être détenue, comme un
détenu en prison, même en le mot (forcément trompeur) de « vérité »,
et même si l’on corrige l’erreur de la traduction en latin du mot grec aletheia
grâce à une étymologie inconnue des gens qui parlaient la langue communément
appelée « grecque ». Platon préférait inventer une « erreur
divine » à l’origine de la vérité, où il faut comprendre peut-être que
c’est la vérité « elle-même » qui est une invention « invraisemblable ».
Dans tous les cas, le secret reste bien gardé dans le mot même qui en devient
inoubliable, alors qu’en toute rigueur il n’y a rien – absolument rien – qui ne
soit voué à l’oubli à plus ou moins brève échéance. Une génération suffit en
général à tout reléguer dans les oubliettes de « l’histoire ». Mais
c’est justement parce qu’il n’y a apriori rien qui puisse s’oublier que le vrai ne peut
pas, lui et lui seul, échapper à qui l’a reconnu au moins une fois. « Par
exemple » la mort. C’est peut-être même le seul exemple absolument vrai et
en même temps totalement indémontrable puisqu’elle échappe à tout
apparaître. Le mort peut bien avoir telle ou telle apparence, la (sa) mort n’en
aura jamais offert une seule. Elle ne donne à voir que la soustraction de tout,
y compris de la vue. C’est cela qui casse toute continuité, forcément
illusoire, pleine de trous, des discours ; la mort reste toujours aussi
incroyable, et incroyablement vraie. Il n’y a plus la moindre image ni
métaphore, plus rien à voir avec l’imposture ou la littérature.
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