Se déploie partout toute une mythologie
scientiste : que la Machine va directement lire l’image rétinienne de
chacun et en tirer toutes les conclusions sur nos intentions.
Haptique-optique : fumisterie. Personne ne peut lire dans la tête de
l’autre, a fortiori pas une machine
qui ne peut voir que ce qu’elle connaît, c’est-à-dire a déjà reconnu. Ou bien
elle verra que je vois mal, environ seize heures par jour, comme les galériens
dans le texte de Hugo que j’ai encore une fois démoli, cette fois en appelant à
l’aide Foucault dénonçant le « grand enfermement » qui date bien de
l’époque de Descartes : la Raison enferme la folie pour qu’elle soit
exempte de tout dérangement, parfaite et omnipuissante - un vrai Dieu. Sans
voir la folie de cette Raison qui a toujours raison de tout, même de
la-vie-la-mort, pour parler comme Derrida qui n’aimerait pour rien au monde
revenir dans le monde qu’il a quitté, juste à temps, on dirait bien. C’est un
monde totalement factice.
« It’s a fact », claironnent-ils avec cette autorité
impayable que prête illusoirement l’évidence
– cela même que tous les philosophes sérieux, de Platon à Heidegger – mais il
faut commencer par Héraclite – ont tenu pour l’ennemi mortel de toute pensée. Même l’évidence telle que
Descartes la pense n’a rien d’évident, surtout à son époque où l’on tenait les
salades théologiques pour des évidences indiscutables. Si quelqu’un
pouvait lire dans ma rétine ce que je pense, au moment même où je le pense, ce
serait une pensée rétinienne, ce que Duchamp voulait bannir de l’art. Même
une image a toujours rapport à autre
chose, qu’il s’agit d’imaginer, c’est-à-dire concevoir et représenter en
même temps ; imaginer consiste à faire cette synthèse spatio-temporelle
alors que la rétine ne connaît pas le temps – le supprime – n’est jamais en
retard ou en avance. Toucher et vue se passent du temps – c’est pourquoi
ils se suppléent si facilement l’un l’autre.
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