Héraclite n’aura pratiquement rien dit sur ce
qu’on a longtemps tenu pour le titre de son Livre : "Au Tour de Physis." Rien d’autre
que ce fragment qu'on place à la fin : « φύσις aime se
cacher ». Pas par pudeur, tout de même ? Comme Artémis ? Et donc
elle se cacherait pour de bonnes raisons : pour échapper aux mains des
hommes. Les savants ne se comportent pas mieux que les chasseurs de jadis. La
seule différence, c’est qu’ils n’en font pas une consommation immédiate, mais
la font travailler à satisfaire leurs besoins, jusqu’à la faire crever. La
raison pure, dénuée de toute arrière-pensée et désintéressée comme elle devrait
l’être pour juger d’une œuvre d’art, n’est, dès lors qu’il s’agit de Physis,
qu’une invention des philosophes ayant prétendu aller plus loin qu’Héraclite et
supposer une οὐσία – une
propriété, une essence – à la φύσις. Pour Héraclite, elle n’est pas d’abord à connaître, surtout au sens d’un objet déterminé dans un
horizon de visée, mais à entendre/comprendre. Cachée, la Physis ne l’est
pas pour garder ses secrets à l’abri de toute connaissance. Elle l’est parce
qu’elle aime ça. C’est la seule
occurrence du verbe, et du même coup vient une autre lumière sur le surnom
d’Héraclite: l’Obscur, comme l’aime la Physis?
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